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370 de son développement et de son existence morale. Ce que la société a voulu, elle a fini par l'obtenir, et aujourd'hui la liberté de la presse est inscrite parmi les clauses fon- damentales et inviolables du pacte imposé aux pouvoirs pu- blics ; bien plus, à mesure que la marche des événements et des luttes politiques a amené d'autres catégories de vaincus, elle a aussi produit en faveur de la presse d'autres partisans, jadis ses adversaires, en sorte qu'il n'y a au- jourd'hui aucune opinion considérable qui ne soit pro- noncée ou qui ne se prononce ardemment pour elle. Ne semble-t-il pas qu'il est parfaitement inutile de reve- nir sur une question épuisée et de discuter philosophi- quement un principe admis et passé dans les faits irrévo- cables ? Eh ! bien, il faut le dire. Il semble qu'il se fasse dans la société un travail contraire et qu'il se manifeste dans un certain nombre d'esprits, je ne dis pas encore du repentir, mais de l'hésitation et du doute sur l'utilité de ce qui a été réclamé naguères avec tant de persistance. L'esprit humain est-il condamné à rouler dans un cercle étroit d'idées et en serait-il des opinions qui lour-à -tour s'emparent de la société comme des modes dont la pré- tendue nouveauté n'est que le retour d'un usage oublié ? Si cela était, il faudrait bien le reconnaître, la croyance au progrès serait une erreur. Elle serait elle-même une de ces idées qui ont leur jour pour naître, croître, mourir et renaître encore. Heureusement que la mobilité des opi- nions ne peut être admise comme une preuve destructive de la doctrine du progrès, si l'on réfléchit que cette loi du monde suppose nécessairement une lutte constante dans son sein entre le passé et l'avenir; lutte où la marche providentielle de l'humanité a d'avance assigné la vic- toire, mais où le vaincu ne se retire jamais sans combattre.