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  de son développement et de son existence morale. Ce que
 la société a voulu, elle a fini par l'obtenir, et aujourd'hui
 la liberté de la presse est inscrite parmi les clauses fon-
 damentales et inviolables du pacte imposé aux pouvoirs pu-
 blics ; bien plus, à mesure que la marche des événements
 et des luttes politiques a amené d'autres catégories de
 vaincus, elle a aussi produit en faveur de la presse d'autres
 partisans, jadis ses adversaires, en sorte qu'il n'y a au-
 jourd'hui aucune opinion considérable qui ne soit pro-
 noncée ou qui ne se prononce ardemment pour elle.
    Ne semble-t-il pas qu'il est parfaitement inutile de reve-
 nir sur une question épuisée et de discuter philosophi-
 quement un principe admis et passé dans les faits irrévo-
 cables ? Eh ! bien, il faut le dire. Il semble qu'il se fasse
 dans la société un travail contraire et qu'il se manifeste
 dans un certain nombre d'esprits, je ne dis pas encore du
repentir, mais de l'hésitation et du doute sur l'utilité de
ce qui a été réclamé naguères avec tant de persistance.
L'esprit humain est-il condamné à rouler dans un cercle
étroit d'idées et en serait-il des opinions qui lour-à-tour
s'emparent de la société comme des modes dont la pré-
tendue nouveauté n'est que le retour d'un usage oublié ?
Si cela était, il faudrait bien le reconnaître, la croyance au
progrès serait une erreur. Elle serait elle-même une de
ces idées qui ont leur jour pour naître, croître, mourir et
renaître encore. Heureusement que la mobilité des opi-
nions ne peut être admise comme une preuve destructive
de la doctrine du progrès, si l'on réfléchit que cette loi du
monde suppose nécessairement une lutte constante dans
son sein entre le passé et l'avenir; lutte où la marche
providentielle de l'humanité a d'avance assigné la vic-
toire, mais où le vaincu ne se retire jamais sans combattre.