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316 Croix-blanche, et cette exaltation toute religieuse à la vue de la chapelle et du couvent des R. P. Lazaristes qui s'y annexe, prédispose le pèlerin à la foi des miracles. E n 1600, rière la vallée de Gier, existait un maître fi- leur de soie dont les ancêtres, exilés de Florence, avaient apporté dans cette vallée l'industrie de leur pays natal. Son travail lui procurait de l'aisance et tout prospérait autour de lui. Il était des confréries, allié même aux con- suls de la ville ; il en était avec sa femme, en langue du pays, à son troisième enfant. Les deux aînés avaient été nourris par la mère ; mais par malheur le puîné, qui est le Muet de la chronique, avait été confié à l'allaitement d'une femme étrangère. A la fin des quinze mois fixés pour le nourrissage, on rendit l'enfant au maître fileur; cet enfant était frais, joyeux, dispos ; l'air de la montagne ne lui avait pas épar- gné son vermillon. Tout le voisinage s'extasiait à la vue de ce bel enfant. La femme qui l'avait si bien nourri en acquit de la réputation, et les nourrissons ne lui manquè- rent plus. Le parrain, la marraine louaient Dieu de cette santé florissante. La mère seule notait pas joyeuse ! Dès que cet enfant nourri d'un autre lait que le sien fut entré dans la maison, une sombre tristesse s'était em- parée d'elle 5 elle le trouvait idiot, contrefait, chétif, et lors- que le petit enfant se jetait dans ses bras pour obtenir une de ces carresses que sa bonne nourrice lui avait tant pro- diguées, cette mère le fuyait et ne lui donnait pas même l'une de ses mains à embrasser. Sa nourriture était une nourriture que sans cesse elle lui plaignait, et l'enfant qui n'avait jamais éprouvé la moindre privation, ressen- tait déjà les tiraillements de la faim, dans la maison même de son père, où cependant rien ne manquait.