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     Tel est l'homme qui cinq ans plus tard sera désigné pour l'emploi de
« Commandant général des Isles de France et de Bourbon », et appelé à
prendre possession des Mascareignes au nom du Roi, en collaboration
avec Pierre Poivre.

       Celui-ci, bien que fort éloigné de l'état militaire, n'avait pas eu une
 existence moins aventureuse que Dumas. Lyonnais de vieille souche
 marchande, né le 23 août 1719 et baptisé le même jour en l'Eglise Saint-
 Nizier *, il fut d'abord destiné au service de Dieu, songea un instant à
 se faire jésuite et, après un séjour à Paris, au Séminaire des Missions étran-
gères de Saint-Lazare, partit en 1740, avec quelques ecclésiastiques,
pour un voyage en Extrême-Orient, sans avoir reçu les ordres. Il s'arrêta
longtemps à Canton, parcourut la Chine méridionale et la Cochinchine,
compléta ses connaissances en botanique et recueillit de nombreux ren-
seignements sur les productions de ces régions. En 1745, alors qu'il fai-
sait voile vers l'Europe, il fut capturé par les Anglais à la suite d'un com-
bat où il fut atteint d'une grave blessure, qui nécessita l'amputation de la
main droite. Débarqué à Batavia, Poivre, que sa mutilation forçait à re-
noncer à l'Eglise, étudia la culture des plantes à épices, poussa jusqu'au
Siam, puis à Pondichéry où il se lia avec Mahé de la Bourdonnais. Il re-
gagna enfin la métropole après deux escales à l'Ile de France et aux Antilles.
Il était absent de sa patrie depuis sept ans.
      Mis en rapports avec la Compagnie des Indes, il soumit au conseil
des directeurs un plan d'introduction des épices dans les Mascareignes,
et, en deux nouveaux voyages en Cochinchine et aux îles de la Sonde,
réussit, non sans de grosses difficultés, à rapporter à l'Ile de France des
noix de muscade et des graines de giroflier qu'il distribua aux planteurs.
Avant de rentrer en France en 1757, il s'arrêta quelque temps à Madagas-
car et s'informa des ressources de la grande île au point de vue spécial du
ravitaillement des Mascareignes.
      Le contrôleur général Bertin lui accorda une gratification de 20.000
livres et des lettres de noblesse ; l'Académie des Sciences en fit un de ses

   1. Arch. mun. de Lyon, Paroisse Sainl-Nizier, Baptêmes, n° 70, f° 79.