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délicat dans la Critique de la raison pure, — oh! il s'agit d'un détail, — je
veux parler de la façon dont Kant relie dans son système l'Esthétique Ã
VAnalytique transcendantale par une sorte de pont qu'il appelle, ma foi,
d'un terme bien simple : « La subsumption des intuitions sensibles aux
catégories par l'intermédiaire d'un schème transcendantal ».
Ce fut au tour de l'aubergiste d'ouvrir des yeux aussi grands que sa
soupière, et nous passâmes la nuit à discuter l'éternelle et angoissante
question des catégories. Je ne puis songer sans une savoureuse gaîté Ã
l'effarement d'un voyageur nous surprenant là , tous deux, buvant une
menthe à l'eau, nous offrant à tour de rôle du tabac dans nos blagues en
vessie de porc et disant avec la plus candide ingénuité :
— Permettez, je crois que vous faites ici une légère confusion entre le
Vernunftetlc Verstand...
— En somme, toute la question revient à ceci : comment des juge-
ments synthétiques a priori sont-ils possibles ?..
— Remarquez-le bien : c'est le pouvoir de synthèse du moi, unifiant
tout le divers dans l'acte de la pensée que Kant nomme aperception pure...
— J'en appelle au commentaire qu'a donné Barni...
— Ah ! mais non, Monsieur, pas du tout, mais là , pas du tout. Si vous
ne m'accordez pas que dans tout changement de phénomène persiste la
substance dont la quantité n'augmente ni ne diminue dans4a nature, alors
je ne réponds plus de rien... • ••••'-'
— Mais, sacrebleu, Monsieur, que voulez-vous qu'on foute d'un
noumène privé de conscience ?..
J'ignore par quels avatars ce savant manqué échoua dans ces monta-
gnes et présida aux destinées d'un estaminet fréquenté par des charbon-
niers italiens. Je n'ai rien su de sa vie passée et j'ai pris la fuite, le lende-
main, à cause de l'exécrable cuisine. Ce dont je suis certain, c'est qu'on n'a
jamais parlé de Kant à une telle altitude. Voilà d'ailleurs mon seul record.
Tancrède DE VISAN.