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      Mais ce sont là seulement « honnêtetés d'usage », et, de plus en plus
méfiant, le commandant cherche à se couvrir contre les éventualités fâ-
cheuses. Non seulement il rend compte avec détails au duc de Praslin de
tous les faits de sa charge, non seulement il tient un journal personnel
dont il envoie copie à Paris par chaque courrier, avec un dossier de pièces
justificatives, mais encore il insiste auprès de Poivre pour obtenir la rédac-
tion d'un journal commun d'administration sur lequel tous deux consi-
gneraient leurs idées, leurs intentions respectives, leurs opérations, leurs
motifs et leurs moyens d'exécution. Pour Dumas, ce journal commun
(établi seulement du 6 août au 29 septembre) était « le garant, le témoi-
gnage et la sanction de l'honnêteté, de la vérité et de la fidélité » de toutes
les « démarches faites en collaboration avec l'Intendant»1. «Le S r Poivre
ne goûta pas beaucoup ce projet, mais il était d'une utilité si évidente qu'il
fut comme forcé de s'y rendre, sauf à faire naître des prétextes pour ralen-
tir le travail et ensuite s'y refuser tout à fait. Il ne dura que six semaines
et jamais le S r Dumas ne put obtenir de lui qu'il le continuât »2.
      Les hostilités déclarées, Dumas multiplia les précautions, confia ses
dépêches à des hommes sûrs qui passaient en France, les chargeant au
besoin de renseigner verbalement les destinataires, «car il y a de petites
choses qu'on n'écrit pas »3.
      C'est surtout par ses relations parisiennes que le commandant cher-
che à combattre Poivre et ses partisans. Il a beaucoup de correspondants
qu'il met au courant de ses faits et gestes, protecteurs, amis influents,
confidents intimes auxquels il envoie des directives. Pour réchauffer leur
zèle et leur affection, il n'épargne pas les attentions délicates et les menues
complaisances, leur envoie des toiles fines, des mousselines et des soieries
venues d'Asie, des mouchoirs, des chemises, du tabac de Mazulipatam.
      Dumas compte sur les puissants patronages qui l'ont mis en place
pour sauvegarder sa renommée dont il est particulièrement jaloux. A son
ancien chef du Canada, le marquis de Lévis, il communique ses plans de
défense de l'Ile de France et requiert son avis autorisé. Au prince de Tu-
   1. Dépêches de M. Dumas, 8 novembre 1767.
   3. Mémoire et Constatation pour le S' Dumas, 17-18.
   3. Copie de toutes les lettres écrites par M. Dumas, 39 février 1768, à M. de Bruny.