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 royaliste formé au Pertuis par le chevalier de Lamothe. On disait toute
 cette troupe expéditionnaire animée de sentiments exaltés et le bruit s'était
 répandu, à tort ou à raison, que des terroristes lyonnais, avertis de sa pro-
 chaine arrivée, étaient allés à sa rencontre sur la grande route pour lui
représenter sous le jour le plus noir les habitants de la ville.
      L'avant-garde fut-elle impressionnée par la foule au milieu de laquelle
elle se trouvait d'une façon imprévue ? Plusieurs des hommes qui la compo-
saient étaient-ils, comme oh le prétendit, en état d'ébriété ? On ne sait au
juste. Mais l'attitude délibérée qu'elle prit en se mettant en bataille sur la
place détermina une certaine effervescence autour d'elle. On s'attroupa
autour des soldats qui, avisant quelques jeunes gens en costumes caracté-
ristiques, s'écrièrent : « Il y a donc toujours ici des Muscadins, des Chouans ?
Nous venons d'en mettre à la raison ; nous les avons joliment traités ; nous
ferons de même ici... ». Un jeune homme d'une quinzaine d'années — un
crieur de chansons, dit-on — se trouvait tout près d'eux, portant à son
chapeau un bouton blanc et ayant à chacun des pans de sa veste les trois
boutons disposés en triangle qui passaient pour représenter l'emblème
royaliste de la fleur-de-lis. L'un des soldats, d'un coup de poing, le frappa à
la tête et fit tomber son chapeau. Le jeune garçon s'enfuit. Mais la foule
devint houleuse et menaçante. Un homme d'allure respectable, portant la
cocarde tricolore, un inoffensif marchand chapelier du quartier nommé
Rollet, s'en détacha à ce moment et s'approcha des militaires. Il leur repro-
cha, sur un ton qui n'était nullement celui de la provocation ou de la me-
nace, de maltraiter ainsi un citoyen qui ne leur disait rien. Il avait à peine
achevé qu'il tombait mortellement atteint de deux coups de baïonnette !
      La place des Terreaux prit, dès ce moment, son aspect des jours
d'émeute. Des cris, des imprécations de tous genres, des menaces s'élevè-
rent de la foule qui pressait les soldats de toutes parts pendant que des
pierres étaient lancées sur eux des maisons voisines. Le chef du peloton
commanda à ses hommes de charger, et ceux-ci, la baïonnette au canon,
repoussant et blessant devant eux tout ce qui s'opposait à leur marche,
s'efforcèrent de se frayer un passage jusqu'au perron de l'Hôtel de Ville où
se montrèrent bientôt les membres de l'Administration départementale
attirés par le tumulte. Protégés par ces magistrats, aidés par les soldats de