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associés, et il revint dans sa ville natale habiter la jolie propriété de la
Fretta, située aux flancs du Mont-d'Or, partageant ses loisirs entre des
travaux scientifiques, dont il réservait la primeur à ses confrères de l'Aca-
démie de Lyon, et des essais de cultures exotiques qui attiraient chez lui
de nombreux visiteurs 1.
     En 1766, « dans un âge mûr et non affaibli, avec le juste espoir d'un
ménage heureux »2, Poivre songeait à épouser Mlle Robin, fille d'un an-
cien magistrat, lorsque le duc de Praslin, secrétaire d'Etat de la Marine,
lui demanda s'il accepterait volontiers l'intendance des Iles de France et
Bourbon. Il hésita, craignant que sa fiancée ne voulût point le suivre au
delà des mers. Mais Mlle Robin, qui était « jolie et infiniment respec-
table par ses vertus et ses aimables qualités »3, ne s'effraya point d'un long
voyage, et les nouveaux époux accomplirent leur voyage de noces au pays
de Paul et Virginie. Ils y connurent précisément Bernardin de Saint-
Pierre, lequel, n'étant encore que le «chevalier de Saint-Pierre », pensa se
mieux préparer à écrire son immortelle pastorale en faisant à M me l'Inten-
dante une cour assidue, avec l'espoir secret qu'elle ne resterait pas insen-
sible à ses charmes juvéniles et déjà éprouvés. M me l'Intendante, qui
était une honnête femme, éconduisit spirituellement le soupirant, épar-
gnant à son mari d'âge mûr les ennuis d'Arnolphe. Il avait bien assez de
ceux que lui procurait la vie publique1.

     Ils avaient commencé dès son départ, et on en peut fixer le début en
février 1767. Dupont de Nemours dit que Poivre perçut alors les « avant-
coureurs des peines qu'il devait avoir à dévorer » \ Dumas, de son côtéj
parle à plusieurs reprises, dans ses lettres, des « tracasseries » et des « con-
tradictions » qu'il éprouva à la même époque6.
     A Paris, l'intendant et le commandant avaient « vécu dans la plus
parfaite confiance ». A Lorient, le commandant vit « avec douleur » le chan-
    1. D'après les notices de Dupont de Nemours et de Boullée.
    3. Dupont de Nemours, Notice sur la vie de M. Poivre, 36.
    3. Brissot, Mémoires, II, 255.
    4. Souriau, Bernardin de Saint-Pierre, 97 s.
    5. Dupont de Nemours, Notice sur M. Poivre, 70-71.
    6. Copie de toutes les lettres écrites pour M. Dumas, 27 juillet 1767, à M. Poivre ; 16 novembre 1767,
au marquis de Beuvron.