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      La nouvelle dynastie avait hérité du cérémonial de la Cour des Valois.
 Les plats arrivaient jusqu'au Roi, au son cadencé des tambours et des
trompettes, précédés par les maîtres d'hôtel, les massiers, le grand maître,
et portés par les princes du sang, que suivait une escorte brillante de
gentilshommes, suivie, elle aussi, par la valetaille des cuisiniers et marmi-
tons, avec tous les accessoires du service. Le duc de Guise et le prince de
Joinville faisaient fonction d'écuyers tranchants ; les ducs de Montpensier
et d'Elbeuf, d'échansons.
      L'envahissement de la salle rompit cette belle ordonnance. Les intrus,
se poussant et se bousculant pour voir de plus près les souverains et les
premières personnes de France, opposaient à la circulation une masse
presque impénétrable. Les archers de la garde ouvraient de force la mar-
che aux servants du Roi, mais ils ne débloquaient pas les autres tables.
Les vins et les boissons étaient arrêtés au passage par des curieux, qui ne
se contentaient pas de les regarder. Les Suisses avaient reçu ou pris la
charge de ravitailler les grandes dames, mais ils mettaient la main aux
plats pour les goûter et ils se hâtaient de les desservir. Certains convives
ne mangèrent pas à leur faim.
      Au bal après le banquet, autres scènes pittoresques. Le Légat y assis-
tait auprès de la Reine. Henri IV, fatigué d'être assis, allait et venait ; il
accompagnait du geste les mouvements de la danse et revenait en expli-
quer les figures au prélat. Quand leurs majestés se retirèrent, ce fut, dit
le récit officiel «, une confusion indicible », sans souci des rangs et de l'éti-
quette, où l'on peut voir, avec un peu d'imagination, un symbole de l'union
des classes sous l'unité monarchique. Mais à l'occasion le poids des halle-
bardes et la piqûre des épées rappelaient aux amateurs de saturnales la
survivance de la police et des distinctions sociales.
      Les Italiens, venus avec la Reine ou le Légat, étaient choqués de ce
désordre à la française. Habitués au formalisme, d'importation espagnole,
des moindres cours de leur pays, ils se plaignaient que les gentilshommes
et jusqu'aux laquais fussent familiers même avec la Reine. Ceux qui ne
faisaient que passer, comme ceux qui devaient demeurer, se montraient
mécontents de tout et de tous. Agucchi dénigrait à plaisir dans sa cor-
respondance la France et les Français. Il reprenait contre Lyon un propos