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- 6 9 - II revint encore Ă Lyon, l'annĂ©e suivante, mais il n'y passa qu'une jour- nĂ©e. Continuant l'exploration mĂ©thodique des provinces françaises qu'il avait commencĂ©e en 1831, il se hĂąta, cette fois, vers la Provence et le Lan- guedoc. Il arriva dans la nuit du 19 au 20 mai 1844, avec son fils Charles, sa fille AdĂšle et son gendre Alfred Dumesnil. Tandis que ses compagnons exploraient la ville, il passa la journĂ©e Ă faire des visites. Il revit Lortet, ArlĂšs-Dufour, Monfalcon. Les esprits Ă©taient alors trĂšs surexcitĂ©s. La polĂ©- mique religieuse avait pris plus d'acuitĂ© que jamais. La bataille s'engageait sur un nouveau terrain. Monseigneur de Bonald, archevĂȘque de Lyon, menait l'attaque contre le projet de rĂ©forme de l'enseignement secondaire prĂ©sentĂ© par Villemain Ă la Chambre des pairs. D'autre part, Michelet venait de terminer, quelques jours auparavant, son cours sur Rome et la France qui avait provoquĂ© Ă la tribune les protestations de Montalembert, et il prĂ©parait son ouvrage le PrĂȘtre, le Femme et la Famille. L'atmosphĂšre Ă©tait chargĂ©e d'orage. Cela n'empĂȘcha pas Michelet d'aller revoir l'abbĂ© Noirot. Le philosophe chrĂ©tien ne l'effrayait pas, l'esprit cultivĂ©, pĂ©nĂ©trant l'attirait. Il prit plaisir Ă l'interroger, en toute libertĂ© et en toute franchise, sur la situation Ă Lyon. Celui-ci d'ailleurs se plaçait Ă un point de vue si Ă©levĂ© que Michelet mĂȘme en fut un peu surpris, se demandant si un tel libĂ©ralisme ne cachait pas un scepticisme discretx. L'abbĂ© Noirot jugea avec sĂ©vĂ©ritĂ© la sociĂ©tĂ© lyonnaise : les femmes Ă©taient honnĂȘtes, mais sans culture vĂ©ritable, livrĂ©es Ă l'ennui et aux prĂȘtres, les hommes peu convaincus, indiffĂ©rents au fond, laissant la religion aux femmes et aux enfants. A cette Ă©poque, d'ailleurs, les rĂȘveries communistes de Cabet commen- cent Ă toucher l'Ăąme lyonnaise. Ce ne sont pas seulement les ouvriers de la Croix-Rousse, c'est l'abbĂ© Noirot, c'est le fabricant de soierie Haidan qui lisent le Voyage enlcarie paru en 1842. Ces deux derniers songent sĂ©rieuse- ment Ă une refonte totale de la sociĂ©tĂ©. Mais les ouvriers, mĂ©fiants Ă l'Ă©gard 1. L'abbĂ© Noirot, protĂ©gĂ© de Victor Cousin, fut membre du jury qui refusa Ă Taine le titre d'agrĂ©gĂ© (1851), devint inspecteur gĂ©nĂ©ral (1853), recteur de l'AcadĂ©mie de Lyon (1854). A cette Ă©poque, Michelet, rĂ©voquĂ©, s'expatriait et s'Ă©tablissait Ă Nervi.