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SA VIE ET SON ŒUVRE 415 surtout excitait son enthousiasme. Il ne cessait pas d'y porter la main et exaltait surtout les malléoles; à chaque instant il disait : « Oh ! la belle malléole », et il s'adressait le plus souvent à Legendre-Héral, son élève favori. Les élèves très dévoués à leur professeur étaient jeunes et aimaient à rire et à plaisanter. Un jour Chinard était sorti de l'atelier, en rentrant il ne trouve pas Legendre-Héral et demande où est Héral. On ne lui répond pas. Il demande de nouveau où est Héral. Un élève nommé Vietty lui répond : « 11 est allé admirer la malléole d'Achille. » Chinard comprit qu'on se moquait de lui. Il était vif, ardent, impétueux. Il prend aussitôt une massette de sculpture qui se trouvait à sa portée et la lance de toute sa force à Vietty. Heureusement celui-ci voit venir le coup qui lui est destiné : il baisse la tête et la massette va frapper le mur. Après avoir évité une blessure qui aurait put être très grave, il se glissa du côté de la porte et s'empressa de quitter l'atelier, où il ne rentra que lorsque la colère du maître fut calmée. Legendre-Héral, né en 1796 à Montpellier, est morfrà Meaux en 1852. Chinard, qui était pauvre à son début, était devenu riche par son mérite et son travail et était très intéressé. Il four- nissait peu ou point de chauffage aux élèves qui travaillaiem dans son atelier; lorsque le temps le permettait, et lorsque le soleil paraissait ils sortaienten disant : « Allons nous chauffer à la cheminée de Chinard. » Bonnaire, père du sculpteur, s'étant rendu à Beaucaire pour affaire de commerce, y rencontra des marchands de marbre de Carrare et leur dit: «Vousdevezconnaître le sculp- teur lyonnais Chinard qui a habité votre pays ». Ils répon- dirent : « Oh oui ! nous le connaissons, ce voleur, cette canaille. » Bonnaire n'insista pas. Rien n'établit que ces épithètes injurieuses fussent méritées par l'artiste.