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394                    HENRI HIGNARD

commencé avec tristesse, je finirais avec gaîté. D'autres
fois, je suis plein de courage, je travaille à merveille, mais
de jour en jour de nouvelles tâches m'arrivent auxquelles
je ne puis suffire, et qui toutes cependant sont très pressées ;
alors je diffère de t'écrire, je recule au lendemain, et le
lendemain quelque chose de nouveau et d'imprévu vient
encore m'empêcher de réaliser mon projet. Mais, mon
cher ami, j'ai honte de m'excuser ainsi, car enfin je perds du
temps quelquefois, et ce temps ne serait-il pas bien
employé à notre correspondance ? Aussi, je veux prendre
une grande résolution, toutes les fois qu'une cause ou
l'autre m'empêchera de travailler, je me mettrai à t'écrire
de provision comme dit Mme de Sévigné. Cela fera, que
j'aurai toujours un fond de réserve, que lorsque je t'écrirai
je ne serai pas obligé de me dépêcher à garnir quatre pages
 quand j'aurais souvent à t'en écrire dix ou douze, je t'en-
verrai de plus gros paquets, et au moins l'argent que nous
 donnerons à la poste ne sera pas perdu. Ce projet, j'y ai
déjà pensé plusieurs fois, mais cette fois-ci, je suis bien
décidé à l'accomplir; de grâce, mon ami, prends cette réso-
lution aussi. Mais encore une fois, ce n'est pas à moi à te
faire des reproches ; c'est à toi bien plutôt, puisque c'est
moi qui ai le plus tardé. Pardonne-moi, et je te promets
bien qu'à l'avenir je n'aurai plus besoin de pardon.
    J'ai passé deux heures ce soir à relire toutes les lettres
et tous les billets que tu m'as envoyés depuis quatre mois ;
c'était bien là m'occuper de toi, mais, en même temps,
 c'était me procurer une grande jouissance. Outre cette
 jouissance, le résultat de cette lecture a été de retrouver
 quelques questions que tu m'as adressées et auxquelles je
 n'ai pas encore répondu. Ainsi, il y a quelque temps, tu
m'as demandé dans quelles limites était renfermée l'époque