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M. PAUL DESJARDINS 389 simples et mâles qui prêchaient l'action persévérante, l'obéissance au devoir, l'amour de l'humanité, on a substitué des doctrines compliquées et sophistiquées, qui dégoûtent les uns de la vie, les autres du sacrifice et tous du combat. » Nous avons vu M. Bourget protester dans le Disciple contre la philosophie exclusivement scientifique. Il appar- tenait à un romancier, autant qu'à un philosophe, de prendre parti contre des doctrines qui ont eu leur contre-coup en littérature, dans le roman en particulier. Là encore, en se plaçant sur le terrain de l'idéalisme, il y avait une salutaire réaction à exercer, et les exagérations de l'école naturaliste ont contribué à la provoquer. En préconisant l'observation minutieuse, la peinture exacte de la vie réelle, cette école, celle de M. Zola et de ses imitateurs, se vante à son tour d'avoir fait une importante découverte, d'avoir ouvert à la littérature un champ jusqu'ici inconnu. Il serait facile pour- tant de lui trouver des ancêtres. Nous pourrions lui deman- der au moins si Dickens n'a pas été, lui aussi, un naturaliste au vrai sens du mot. Mais Dickens a étudié le monde moral autant que la vie extérieure et matérielle. Il a créé des types inoubliables, qui charment notre imagination, touchent notre cœur, satisfont notre esprit par leur vérité. Ce que notre littérature nouvelle a inventé, c'est la psycho- logie morbide, la transformation des problèmes moraux en questions de clinique; c'est l'étude exclusive de la bête humaine. « Le dramaturge et le romancier, dit M. Zola (Figaro' au 15 août 1881), sont un peu comme le médecin que l'état de santé n'intéresse pas. Il nous faut la passion, c'est-à -dire le détraquement de l'âme humaine. » N'insistons pas; mais sachons gré aux romanciers qui réagissent contre ces fausses théories, qui consentent, dans K° 6. — Juin 1893. 26