page suivante »
BIBLIOGRAPHIE 333 consonne d'appui. Remarquons en passant qu'il ne faut pas abuser de la rime riche qui souvent fausse les vers. Exemple entre mille : A l'heure où tout semble frémir, A l'heure où se levant comme un sinistre émir, (!) Sirius apparaît. (V. HUGO). M. Tisseur termine le chapitre en parlant de la Rime aux yeux; il pro- teste avec raison contre elle, à l'exemple de Lanoue qui, au xvn e siècle dissuadait de toujours l'employer. En effet, les exigences de la correction dans la rime datent de l'époque où les consonnes finales n'étaient pas encore devenues muettes, car, d'après M. Gaston Paris : « tout carac- tère distinct a d'abord représenté un son distinct. » « Peu à peu les consonnes finales cessèrent d'être prononcées et comme on avait exigé leur identité dans les deux mots rimants, lorsqu'elles se prononçaient, on continua de les exiger, lors même qu'elles ne se prononçaient plus (i). » Au XVIe siècle on observa fidèlement les règles de la rime, eu égard uniqusment à la prononciation. Il en fut ainsi jusqu'à Malherbe qui posa le principe de la rime pour les yeux : et l'on arriva à décréter : « Que l'identité de la consonne muette suffisait pour constituer la rime aux yeux, l'identité de la con- sonne qui la précède n'étant point exigée. Ainsi on ne peut faire rimer désert avec mer, mais on peut faire rimer déserts avec mers (i) ! » Aussi faut-il, quand besoin est, faire bon marché d'une telle prohi- bition à l'encontre de la règle quelque peu stupéfiante formulée par M. Tobler dans le Vers français, à savoir : « Que ce n'est pas par la prononciation des mots qui se font entendre dans le débit des vers que l'on doit juger de la correction de la ri me, mais par celle qui aurait lieu dans le cas de la liaison ! (2) » Et l'on peut s'affranchir des lois surannées et illogiques de la rime à l'oeil, mais seulement quand il s'agira de beaux vers et de rimes riches. (1) Cf. Modestes observations sur Part de versifier, p. 189. (2) Les savantes pages que M. Toblet a consacrées à la rime dans son traité des Vers français anciens et modernes (pp. 149 - 193, Paris, Vicweg', n'en reste pas moins inté- ressantes et précieuses pour les lettrés.