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                      M. PAUL DESJARDINS                      387

épuisent un sujet, M. Faguet nous montre en Voltaire un
esprit léger et superficiel,- manquant de philosophie, égoïste,
jaloux de toutes les supériorités et n'ayant que cela de
démocratique, comme l'avait déjà fait remarquer M. Brune-
tière ; se faisant un jeu de se démentir et de mentir ; stupé-
fait qu'on lui reprochât d'offrir le pain bénit et de communier
solennellement dans son église, puisque c'était utile ! Cœur
sec et conscience nulle. Voilà pour l'homme.
    Ses idées sont confuses, indéterminées, souvent contra-
dictoires. Chaque livre de lui est une merveille de limpidité,
et son œuvre un prodige d'incertitudes. « Ce grand esprit,
ajoute spirituellement M. Faguet, c'est un chaos d'idées
claires. » A côté de quelques vues justes en politique, de
quelques échappées généreuses, il se montre profondément
antidémocrate; il ne veut rien pour la foule, pas même l'ins-
truction : il le répète cent fois. « Le monde, s'écrie M. Fa-
guet, s'il avait été créé par Voltaire, serait glacé et triste : il
lui manquerait une âme! »
    Voltaire est sorti triomphant d'une révolution qu'il eût
 détestée, lui qui attendait tout progrès de l'Etat, ou d'un
 sauveur intelligent. Quel est donc le secret de cette
 incroyable popularité ? Nous ne parlons pas, bien entendu
 de sa gloire d'écrivain : nous saluons en lui un des maîtres
 de la langue française, le plus accompli peut-être. La prin-
 cipale cause de sa popularité éphémère, n'en doutons pas,
 c'est sa haine de toute religion.
     En attaquant cette réputation séculaire du philosophe de
 Ferney, M. Faguet a donc travaillé à remettre en honneur
 les vérités que le grand railleur avait bafouées. On ne s'y
  est pas trompé, et l'apparition de ce livre a été l'occasion de
  curieuses récriminations.