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376 NOTES D'UN PROVINCIAL vaillée excite si peu d'émotion, avec toutes ses prétentions à en exciter. L'artiste, dépourvu de toute foi, est demeuré froid lui-même dans un sujet dont le caractère pathétique, l'extraordinaire et unique poésie lui échappait, et il l'a réduit à n'être qu'une scène de jugement quelconque chez les Juifs. Comme il sait à fond son métier, il en a pris occasion de disposer les personnages traditionnels d'une façon ingé- nieuse et nouvelle; il les a groupés habilement, trop habi- lement, car on s'en aperçoit, combinant soigneusement lés attitudes, penchant celui-ci en avant, ramenant celui-là en arrière, disposant cet autre de côté ; avec non moins d'appli- cation, il a distribué sur les visages les nuances classiques dé la haine, telles que les donnent les cahiers d'expression, mais les visages sont peu divers et l'ensemble demeure monotone. J'omettrais peut-être le principal si je ne disais qu'il a enfin surtout fait de ce drame poignant une matière à études d'étoffes, qu'il s'en est servi pour obtenir des cha- toiements variés de toute une collection de vieux velours, bleus, rouges, bruns, jaunes. J'y pense : le grand Sanhédrin faisait-il déjà dans le vieux au temps de Jésus-Christ ? Il n'y a ni plus de vérité ni moins de monotonie dans le Golgoiba ; l'auteur y est demeuré quelqu'un d'habile qui s'applique, rien de plus. Il a refait d'ailleurs le même tableau, légèrement amplifié; tout ce que j'ai dit du Christ devant Pilale, je pourrais le redire ici, et cette ressemblance des œuvres ne tient même pas à l'analogie des sujets : son explication n'est pas ailleurs que dans la main et dans le cerveau d'un artiste qui se répète beaucoup. M. Munckaczy n'a à peu près traité jusqu'à présent, dans toutes ses œuvres connues, qu'un seul sujet, dont il a varié le titre et les détails. Les Rôdeurs de nuit sont quatre vagabonds cueillis par la garde, qui attirent les regards obliques des commères