page suivante »
448 EN PORTUGAL forêts germaniques s'humilient devant les caprices hautains de la flore tropicale, où les rhododendrons éclatants luttent avec les froideurs virginales et sanglantes des camélias gigantesques ; seules les azalées, cette fleur portugaise, doivent saluer leurs pareilles des serres de la Tête-d'Or. La vue magnifique plane, du haut de la burg, sur les jardins, les forêts, les étangs, les vallons, les rives du Tage, et va se perdre dans l'immensité verte de l'Océan. La grasse et fertile campagne portugaise n'est] pas du tout à l'anglaise ; ses aspects jsont {très variés, tantôt ses petits villages cachés sousles pommiers, les cerisiers, rappellent la Basse-Normandie, tantôt c'est la Hollande qui apparaît avec les marais salants et les felouques avançant lentement dans les canaux, ou bien ce sont les coteaux beaujolais et ses vignerons aux environs de Porto, tandis que les bœufs aux cornes immenses, sous le joug polychrome, conduits par un laboureur enfoui sous un manteau de paille tressée, carapace chinoise, indoue, lacustre, nous transportent aux premiers âges de l'agriculture. J'aurais voulu admirer les merveilles gothiques deBatalha, voir les folies rococo de Mafra pour oublier un peu les déceptions de Braga et son affreuse église primatiale, mais le Portugal, malgré ses beautés naturelles, souffre du voisi- nage écrasant de l'Espagne, et j'avais hâte de repasser la frontière. Telle est la vignette portugaise crayonnée à grands coups hâtifs entre deux trains, ce gentil petit peuple est heureux, libre, en progrès, s'offrant même des excédents de budget, ce qui est rare dans les temps actuels, et des crises ministé- rielles, distraction beaucoup plus connue, surtout en France. Les Portugais sont aimables, doux, policés, plus pratiques que poétiques; après avoir découvert des mondes,