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368 NOTES D'UN PROVINCIAL La peinture d'Ingres évoque invinciblement ce vers sublime du vieux Corneille. Tout auprès d'Ingres, il n'est que juste de placer son grand élèveFlandrin, pour lequel il m'a paru, comme pour Regnault, qu'on eût pu être moins parcimonieux. Du moins les deux tableaux qui le représentaient avaient-ils été choisis avec intelligence : c'était le Dante du Musée de Lyon, où le peintre se cherche encore, et le Christ aux enfants du Musée deLisieux, où il s'est trouvé. Bien que cette dernière toile soit encore loin de l'incomparable Entrée de Jésus à Jérusalem, qui est le chef-d'œuvre même de la peinture religieuse, Flandrin s'y montre déjà le seul des modernes qui ait su figurer Jésus-Christ. Est-ce bien des modernes seulement, et pour trouver un Christ vraiment divin, ne faut-il pas remonter de lui à l'adorable terre cuite des Catacombes ? Il est même le seul qui ait su représenter l'entourage de Jésus-Christ, apôtres, saintes femmes et Juifs. Rien de ce qui s'est passé à ce moment auguste du temps et dans ce coin privilégié du monde n'a pu être vul- gaire, et, pour rendre dans leur vérité ces événements d'un jour qui portaient dans leurs flancs tout l'avenir de l'huma- nité, il n'y a encore que les personnages graves, pensifs, et profonds de Flandrin; ils sont autrement vrais, notamment, que les Arabes classiques dont M. Bida est allé chercher le type dans l'Algérie contemporaine, et que les youtres aux souquenilles variées de M. Munckaczy. Tout cela apparaît déjà dans la toile un peu enfumée, qui semble avoir poussé au noir, du Christ aux enfants. Et comme, avec cette pro- fondeur de sentiment, l'auteur n'oublie jamais d'être peintre! Comme il éclaire heureusement son tableau du corps nu du ravissant petit enfant, qui, tout en se pressant auprès de Jésus, se retourne à demi pour regarder en dessous le spec- i