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io6 UN CONFRÈRE DE MASSILLON , J'ai hâte de le montrer sur ce retentissant théâtre plus digne de son talent, qui s'y déploiera tout à l'aise dans la chaire de l'église de la rue Saint-Honoré ; il l'occupa pen- dant l'Avent de 1698, « tous les dimanches et fêtes jusqu'à la Chandeleur. » Cette église était une des plus fréquentées de Paris ; la proximité du Louvre, à certaines solennités la présence de la Cour, l'attrait d'une musique à laquelle on n'avait à reprocher, que la perfection de ses airs et la trop grande habileté des exécutants, le bon ordre des cérémonies, la pompe des décorations, l'engouement de la mode, je le pense aussi, mais par dessus tout la piété et la régularité des officiants, tout attirait un concours de gens de condi- tion; juges distingués autant qu'influents, ils donnaient le ton à l'opinion et à la littérature. La réputation de la Congrégation elle-même était aussi en jeu dans ces occasions éclatantes; on était convaincu qu'elle ne produisait là que ses sujets les plus sûrs ou bien qu'elle essayait les débutants, sur lesquels les supérieurs fondaient les plus légitimes espérances. A cette place, on n'appréciait pas seulement le prédicateur, dans son sermon on estimait entendre la doctrine et l'esprit de l'Institut tout entier. La station de l'Avent, à Saint-Honoré, s'ouvrait à la Toussaint, pour finir le 2 février, à la Purification; on ne prêchait pas durant la semaine, comme dans la plupart des autres endroits, mais seulement les dimanches et les fêtes ; l'Immaculée-Conception, Noël, la Circoncision, l'Epipha- nie et les Grandeurs de Jésus étaient célébrées avec la pompe la plus religieuse. Une pareille carrière était longue autant qu'épineuse ; elle fut tenue avec une éloquence pleine de distinction,