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442          UNE SOIRÉE DANS i/AUTRE MONDE

la place entre sa poitrine et sa légère gandourah de coton,
La flamme vive sort par le col de cette chemise flottante,
couvre son visage et s'élève au-dessus de sa tête. Il n'est
nullement brûlé et continue ses bonds de maniaque,
fouetté par les chants dont le mouvement se répète encore
plus rapide, plus obsédant jusqu'à ce que chanteurs et
musiciens s'arrêtent exténués.
    Les danseurs tombent alors comme morts. Ceux qui ont
été victimes de ces sanglantes folies gisent raides étendus.
On les porte sans connaissance aux pieds du cheik et,
l'un après l'autre, ils se relèvent de leur prostration sous
ses caresses et ses embrassements.
    Quelle confiance absolue dans le pouvoir de leur chef,
quelle obéissance passive faut-il à ces fanatiques pour qu'ils
se soumettent à de pareilles tortures ? Les découvertes de la
 médecine moderne sur le magnétisme animal et sur la sug-
gestion, l'excitation cérébrale produite par l'ivresse du bruit
et du mouvement, même l'absorption préalable de sub-
stances stupéfiantes peuvent faire comprendre leur insensi-
bilité à la douleur. Mais comment expliquer rationnelle-
 ment ce sabre affilé qui ne peut ni couper, ni percer une
 peau nue, ces débris de verre broyés entre les dents et
 dévorés avidement, enfin ce feu ardent qui ne laisse pas de
 traces ? Si tout cela se passait dans l'éloignement, dans la
 demi-obscurité d'une mosquée, on pourrait croire à une
 prestidigitation, à un charlatanisme quelconque; mais, je
 le répète encore, nous avons vu tout cela en pleine
 lumière, de très près, et bien décidés à résister à toute
 illusion. Je raconte les faits tels qu'ils se sont passés et
 j'avoue, avec Mgr Lavigerie, que je ne puis les expliquer
 que par l'intervention d'une puissance occulte et inconnue.
   Après quelques instants de repos, les Aïssaouas et leur