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    LA PESTE A SAINT-GENEST-MALIFAU;-



LES INFORTUNES DU LABOUREUR

Il semble que le Ciel n'eslance de malheurs
Que sur le chef bruslé des pauvres Laboureurs,
Et que tout l'univers sa ruyne ait jurée,
Tant sa petite vie est de maux accablée ;
Si le Père du jour brusle de ses chaleurs,
Cette incommodité est contre les Laboureurs ;
Si les froids Aquilons viennent vomir leur rage,
C'est principalement sur ceux du labourage :
Les forts vents du Midy leur dérobent souvent
Tout l'espoir de leurs fruicts qu'ils alloient concevant ;
Qu'au pauvre Laboureur la cruelle tempeste
Fasse le plus de mal, cela est manifeste;
Tantost sa bergère est attaquée du tac,
Et son bestail de peste bien souvent mis à sac ;
 Et les animaux mesmes luy font toujours la guerre,
Le loup sur ses troupeaux, la taulpe fouille-terre,
Travaille incessamment à gaster ses jardins,
Le rat mange son grain, le milan ses poussins,
Encore tout cela luy seroit tolérable
S'il n'estoit tourmenté par l'homme son semblable,
Car nous sommes tous frères, et l'Empereur de Rome
Selon nostre origine n'est pas mieux que moy homme;
Néantmoins on dirait que l'homme de village
 Est pour bute à tout autre, et ses biens au pillage ;
 Faut nourrir le Lévite, qui dit qu'il luy est deu,
 Et on me l'a tant dit, qu'à la fin je l'ay creu ;
 Que nos biens soient au Roy et mesme nostre vie
 Il le faut croire ainsy, la Loi nous y convie ;
 Dessous ce grand manteau se cache la fureur
 Qui en mille façons destruit le Laboureur ;
 De là les Partisans filent toutes les toilles
 D'où ils succent le sang, et mesmes les moùelles
 Des pauvres Laboureurs, comme le caut chasseur
 Par ses traistres filets se rend le possesseur