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272          BROUCHOUD, SA VIE ET SES CEUVKES

   Mais si Brouchoud a, dans une assez large mesure, fait
profiter le public de ses immenses recherches, je ne puis,
en considérant le nombre des travaux dont sa mort a
interrompu la publication, me défendre de reconnaître
combien peu il avait mis en pratique cette pensée de
Guizot, qu'il avait inscrite pourtant, comme une sorte de
règle de conduite, en tête de sa thèse de doctorat : « En
« aucune chose peut-être, il n'est donné à l'homme
« d'arriver au but : sa gloire est d'y marcher sans
« cesse » (9).
   Certes, si cette maxime est vraie, c'est bien assurément
dans le domaine de l'histoire !
   Quand il s'agit d'un passé lointain, qui donc peut se
flatter d'avoir donné le dernier mot de la science ? La dé-
couverte d'un document inconnu ne peut-elle pas venir,
chaque jour, contredire un fait qui semblait incontestable,
ou remplir une lacune qui laissait prise aux conjectures les
plus diverses ? En pareille matière, il faut donc toujours
savoir se résigner à ignorer quelques points obscurs, qu'il
appartiendra à nos successeurs d'éclaircir un jour.
   Or, voilà ce que Brouchoud n'avait jamais voulu
admettre. Personne n'a été plus \ difficile que lui pour la
perfection de ses œuvres; il suffisait qu'il existât quelques
lacunes dans les documents qu'il interrogeait, pour qu'il en
retardât indéfiniment la publication.
   C'était là, sans doute, un scrupule respectable. Mais, en
voulant ainsi épuiser chaque question, Brouchoud en est
arrivé à laisser inachevés des travaux d'un intérêt incom-
parable, comme cette histoire des Grands Jours, si malheu-



  (9) Guizot, Histoire de h civilisai ion en France. Première leçon.