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LE COMPARTIMENT DES FUMEURS 69 favorablement le général à l'égard de son prisonnier. Car, au jour, le pasteur vint m'annoncer que, sous prétexte que des révélations avaient fait découvrir en moi un personnage d'importance, caché sous l'uniforme de franc-tireur, le général avait ordonné de me diriger sur le quartier du com- mandant en chef du corps d'armée. En réalité, j'allais rejoindre un convoi de prisonniers de guerre et attendre en captivité la fin de la campagne. « Le curé me tendit alors une lettre que je devais lu rendre après l'avoir lue et qu'il devait anéantir aussitôt ; elle était de la main de la baronne et disait à peu près ceci : « Le général, pour vous sauver la vie à ma prière, risque son grade et son honneur. Que pas un mot de vous ne révèle la grâce qu'il vous accorde, contre tout droit et tout usage ! M. le curé vous fera parvenir quelque argent, au lieu de votre captivité ; sur cette somme, je dois deux louis à votre ami. Je les lui avais envoyés à Rouen, mais mal adressés sans doute; car, informations prises, j'ai su qu'il n'avait pas retiré ma lettre. J'attendais la fin de la guerre pour faire rechercher son adresse, ne me souvenant plus au juste de son domicile. Remerciez Dieu aujourd'hui, et plus tard, votre ami à qui je suis heureuse de donner cette preuve de ma reconnaissance ! » * * # Durel, envoyé en captivité comme simple soldat, avait réussi à s'évader, et, par une série de tours de force, il avait gagné la frontière suisse. C'est de là qu'il m'écrivait quelques jours auparavant.