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LE COMPARTIMENT DES FUMEURS 63 * * * La baronne s'était levée. Je me levai aussi, et je fis alors ce qu'assurément tout galant homme eût fait à ma place : je tirai deux louis de mon gousset et les lui tendis. « D'abord, monsieur, dit-elle avant de les prendre, veuillez me donner votre carte et y inscrire la ville où vous serez dans cinq ou six jours, par exemple ? — A Rouen, Madame. — C'est donc à Rouen que j'aurai l'honneur de vous renvoyer cette somme. Mais il me reste encore, ajouta-t-elle, une chose à vous demander : c'est que vous m'épargnerez de raconter à votre ami ce qui s'est passé entre nous deux et qu'il ignorera que je reste ici. » J'acquiesçai d'un signe de tête. Alors elle me tendit sa fine main, et, avec un charmant et bon sourire : « Croyez, monsieur, à toute ma reconnaissance. — J'y crois, ma- dame, lui répondis-je, et je m'estime d'autant plus heureux que sa reconnaissance, ce n'est pas, à mon avis, la moindre des faveurs qu'une femme puisse accorder à un homme. » Une poignée de main répétée me prouva que j'étais compris. Une fois descendus, je mis la baronne dans une voiture de place et j'allai à la gare rejoindre Durel. Il était au guet, debout sur le perron, donnant les signes d'une visible impatience. Mon arrivée n'était faite pour lui plaire en aucune manière, mais son désappointement se manifesta plus vif encore, en me voyant seul. » Et la voi- sine d'hier? me cria-t-il du plus loin. — A l'hôtel on m'a dit que vous étiez ensemble, répondis-je assez naturelle- ment. » ' '