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LE COMPARTIMENT DES FUMEURS 53 beaucoup de voyageurs de commerce n'avaient pas cru devoir interrompre leur tournée habituelle, tant une solu- tion favorable paraissait imminente. * * J'arrivais donc au Mans dans la nuit du 30 juillet, me dirigeant sur Honfleur et le Havre. J'étais en compagnie d'un camarade d'enfance, négociant lyonnais aussi, rencon- tré à la gare d'Angers et qui allait à Caen. Sur les grandes lignes, tout désorganisé qu'y fût le ser- vice, il restait encore un moyen sûr et relativement prompt de voyager : c'était, quand on le pouvait, de prendre les trains poste, auxquels leur affectation assurait partout le passage et dont l'administration arrivait à défendre l'accès aux détachements militaires. Mon compatriote et moi, nous avions réussi à monter à Angers, dans le train de Nantes à Paris. A cette chance s'était ajoutée celle d'ac- complir le trajet en une compagnie bien faite pour nous sembler singulière, même à un moment où Ton était exposé aux plus étranges rencontres. Tout d'abord, nous avions dû longtemps chercher deux places dans les voitures bondées, d'un bout à l'autre du train. « Voyons au compartiment des fumeurs, » me dit mon camarade que j'appellerai Durel pour la commodité du récit. En dépit des protestations véhémentes d'un gros personnage qui, de son corps, masquait la portière, nous pénétrons et trouvons d'autant mieux à nous caser qu'il n'y a que cinq personnes dans le compartiment et qu'il reste, par conséquent, trois places vacantes. Le premier mouvement, lorsque vous montez en voi-