page suivante »
74 LETTKES SUR LA SAKDA1GNE. que. Après eux marchaienl l'aller-nos et son Étal-major composé des gros bourgeois de Cagliari. L'alter-nos est le ci- toyen sarde, Cagliaritain ou non, qui va tenir à Poula la cour du saint, pendant les trois jours que dure sa fêle. Durant ces trois jours, il est obligé de loger et de nourrir à ses frais les pèlerins, qui viennent par milliers présenter leurs hom- mages au saint prolecteur de la pairie : mais aussi il rem- place complètement le vice-roi, il jouit d'une autorité absolue, et les honneurs royaux lui sont rendus. C'est beaucoup d'hon- neur el peu de profil, el pourtant cette dignité fait l'ambi- tion de tous les Sardes; autres pays, autres mœurs. Après V aller-nos, marchaient, bannière en lêle, loules les con- fréries de la ville, des moines de tous les ordres, des péni- tents de toutes les espèces, lous portant à la main des tor- ches allumées et chantant de pieux cantiques; enfin dans une jolie châsse d'or el de crislal, perdu au milieu des fleurs, des cierges el des nuages parfumés des encensoirs, apparaissait Saint Éphise, se tenant debout comme pour saluer la foule immense qui se pressait sur son passage. Il élait placé sur un petit char de bois doré traîné par les bœufs sacrés, bœufs énormes, aux cornes garnies de rameaux el d'o- ranges, et conduits par deux Sardes vénérables qui mar- chaient ii leur côté. Souriez, cher ami, mais ne vous moquez pas : ils étaient gravement armés d'énormes bouquets de roses, avec lesquels ils leur essuyaient le dessous delà queue, toutes les fois que ces bétes privilégiées se permellaient de satisfaire certains besoins fort naturels. Le char étail envi- ronné de malades, d'infirmes, d'eslropiés, se heurtant, se poussant, tous voulant approcherdu saint patron, tous voulant toucher les bœufs sacrés pour obtenir la gnérison de leurs maux. Enfin derrière se pressait une masse immense d'hom- mes, de femmes el d'enfanls ; les uns tenant un cierge, les autres portant des fleurs qu'ils répandaient sur la roule; les