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                               l)E LA PRIÈRE.                              531

emploie les propres forces de Dieu !... La prière est le com-
plément divin de l'homme.
   Jl suffit d'avoir ressenti l'amour pour comprendre tout ce
que peut la prière ! la prière, qui est une provocation faite à
l'amour ! l'amour, qui ne songe qu'à entraîner Dieu ! Dieu,
qui ne cherche qu'à se donner... L'amour est quelque chose
de si extraordinaire qu'à lui a été donné le pouvoir, par le
mariage, de faire apparaître les âmes sur la (erre!... Quelle
évocation sur l'infini !
   « II m'invoquera, je l'exaucerai, et je comprendrai ses pa-
roles et je me rendrai à ses prières, dit l'Écriture. » Jl ne faut
plus s'étonner d'entendre Dieu crier à Moïse : Laisse-moi
avec ta prière, afin que ma fureur puisse s'enflammer contre
ce peuple ingrat (1). 0 puissance incommensurable que celle
de l'humanité dans la prière ! Un grand écrivain a fait la
remarque suivante : L'esprit de l'homme a tant d'empire

    (i) Exod. cap. XXXII, v. I O .
    •i Nous lisons, écrit Abailard, que le Seigneur dit à Moïse : « Laisse-
 moi, afin que ma fureur se courrouce. » Et à Jérémie : « Cesse de me prier
 pour ce peuple, et ne l'oppose point à moi. » Par ces paroles, Dieu lui-
 même montre clairement que les prières mettent à sa propre colère un
frein qui l'empêche d'égaler le châtiment à l'iniquité. La justice le conduit
 naturellement à la vengeance ; mais les prières le retiennent malgré lui par
une espèce de violence. Il sera dit à celui qui prie : laisse-moi et ne t'oppose
point à ma volonté. Le Seigneur ordonne de ne pas prier pour les impies.
 Cependant le juste prie, et il change la sentence du juge : car on ajoute, à
propos de Moïse : « Et le seigneur fut apaisé sur la vengeance qu'il voulait
tirer de son peuple. Il est donc dit que sou peuple avait mérité l'affliction,
 et pourtant, arrêté par la vertu de la prière, il n'accomplit point ce qu'il
avait dit. Voyez donc quelle est la puissance de la prière, puisque le
prophète ne laissa pas d'obtenir en priant ce que Dieu lui avait défendu de
demander, et le détourna de ce qu'il avait prononcé. Qu'ils s'instruisent
les princes de la terre, etc., etc. »
  A Héloïse, sa bien-aimée soeur en J . - C , ABAILIRD, son frère. i r e Lettre
d'Abailard.