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                 LETTRES SUR LA SARDAIGNE.                  367
encore de ce stuc rouge, dont les Romains recouvraient les
parois de leurs réservoirs. Deux sources superbes, les seules
eaux limpides et réellement potables de Cagliari, et qui de-
vaient alimenter les citernes, arrosent aujourd'hui le petit
vallon de la Gapucinière. Dans ce pays aride et desséché,
les eaux courantes ont fait de ce vallon une retraite, d'une
fraîcheur délicieuse, où mûrissent de belles oranges, suspen-
dues à des rameaux toujours en fleurs, et où se balancent les
roseaux, aux longues tiges, que couronnent de beaux lys cou-
leur de safran. Les bons Pères gardent leurs sources, comme
un Espagnol garde sa femme ; cependant, ils ont la généro-
sité d'en distribuer quelque peu aux Cagliaritains qui veulent
bien la leur payer; un jour, les Cagliaritains les leur pren-
dront et ne leur donneront rien en retour.
    Du sommet de l'amphithéâtre, nous vîmes le soleil s'abaisser
lentement à l'horizon et éteindre ses derniers rayons dans les
flots embrasés. Nous reprîmes alors tranquillement le chemin
de Cagliari, appuyés sur le bras l'un de l'autre; mon guide
continua sa narration, et moi je l'écoutai, tout en laissant mes
 regards errer sur les proflls des montagnes, qui découpaient
sur le ciel leurs sombres silhouettes, et poursuivre sur le golfe
 les barques éclairées, qui couraient sur les flots comme des
 étoiles filantes.
     —« Antonica, d'une main ferme, lira le verrou de la porte,
 et Morigedou entra. Son visage était pâle et défait, sa mar-
 che chancelante et mal assurée ; son père se leva pour aller
 à sa rencontre, mais une horrible pensée lui traversa le cœur,
 et il se rassit silencieusement; sa femme, immobile, tenait
  attaché sur lui un regard farouche. — Eh! bien, grommela
  Morigedou d'une voix sombre, en désarmant son fusil qu'il
  appuya contre la muraille : voilà comme on me reçoit, moi
  qui tout le jour ai battu la montagne pour éloigner nos enne-
  mis, moi qui pour vous, aujourd'hui encore, ai répandu mon