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LETTRES SUR LA SARDAIGNE. 351 à l'admiration complaisante des rares voyageurs leur grande place publique, qu'ombragent quelques vernis du Japon, un marché couvert des plus odorants, et enfin deux églises, propriétés des Pères Jésuites, grands bâtiments sans carac- tère, d'une propreté parfaite et d'un goût détestable. Quant au faubourg de Villanova qui couvre le versant nord de la colline, c'est un pauvre el petit faubourg, sans impor- tance et sans prétention, qui ne vaut pas la peine d'une visite, surtout quand, pour lui rendre cet honneur, il faut affronter tout ce que le soleil peut lancer de plus chauds rayons. — Mais il me semble, Madame, que vous devez vous former sur la topographie de Gagliari une idée suffisamment vague, et pour peu que je continue encore quelque temps, il va arriver que vous finirez par n'en plus avoir du tout. Aussi je dois laisser là mon tableau général pour vous donner quelques détails, sur les antiquités romaines que possède Cagliari, sur ses mo- numents moyen-âge, sur ses richesses artistiques enfin; mais pour vous rassurer d'avance contre l'effroi que doivent vous causer mes projets descriptifs, je vous préviens, Madame, que je n'ai pour les antiquités en général, et les romaines en particulier, qu'une admiration des plus froides ; que, pen- dant mon séjour à Home, au milieu de ses ruines vénérées, je n'ai jamais pu parvenir à m'attendrir, quoique j'évo- quasse au secours de ma sensibilité tous mes souvenirs effa- cés de Tacite et de Tite-Live ; qu'il m'est impossible de tom- ber en admiration devant un débris de colonne, qu'il se dise de Phocas ou du Forum-Trajan, et qu'en toutes cho- ses j'ai une profonde horreur pour le vieux el le suranné, que l'on est convenu d'admirer sous le nom d'antique et de classique; qu'enfin, vu peut-être mon ignorance parfaite en toutes ces matières, je professe un superbe mépris pour les connaissances archéologiques, cette science des fils de fa- mille qui ne veulent pas avoir l'air désœuvré et ignorant;