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LETTRES SUB LA SAKDAIGNE. 345 lames de Tolède et de parfums nocturnes; le tout recouvert d'une couleur locale bleue de cobalt et laque de garance, et ornée d'un beau titre espagnol dans le genre de Ira los Montes ! Mais la Sardaigne, un pays fiévreux, peuplé de loups et de voleurs, quelles impressions espérez-vous y rencontrer? la fièvre, des coups de dents et des coups de couteaux? et si vous leur échappez, qu'aurez-vous à nous raconter à votre retour?.... Je reconnus la justesse et la profondeur de ces ob- servations, et je partis pour la Sardaigne. Aujourd'hui me voilà de retour, la tête pleine de charmants souvenirs, et mes carnets, noircis et barbouillés de notes et documents, d'un intérêt incontestable et que j'ai hâte de communiquer au public, assez ennemi de ses jouissances peut- être, pour ne pas en prendre connaissance. Celte petite, ou plutôt cette grande infortune me surprendrait médiocrement, car, en général, les descriptions de choses et de lieux qui nous sont inconnus, ne nous intéressent qu'à la condition d'être présentées sous des formes séduisantes et originales, et je suis obligé de prévenir mes lecteursf ce qui déjà n'est peut-être plus nécessaire, que je suis tout novice en l'art d'écrire. Cependant pour les séduire et les engager à passer sur la maladresse de la forme, je leur promets des détails exacts sur des mœurs et des coutumes intéressantes et nou- velles, une collection de costumes plus variés, plus pitto- resques les uns que les autres, des histoires de brigands à côté desquels les Mandrin et les Fra-Diavolo ne sont plus que des voleurs, et des actes héroïques de dévouement et de courage commis par de simples et bons gendarmes; de plus, je leur ferai grâce de toute description, ayant pour but de leur faire connaître les beautés des bords du Rhône, les magnificences de la Cannebière, et les splendeurs de Gênes la superbe, afin de les transporter tout de suite à Cagliari, sujet de ma première èpitre.