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DE LA FOI. 233 ses sentiments sont sa mesure. L'homme se place comme une statue sur la colonne de son cœur : c'est elle qui l'élève ou l'a- baisse, et qui étend ou rétrécit son horizon. Un sentiment, c'est la manière d'être de l'âme : car on ne sent que selon ce que l'on est. Le sentiment, c'est nous-même. L'admiration, l'amour, la vaillance, la bonté composent ceux qui les éprouvent. Formons donc l'homme, et non pas tout excepté lui : un Manuel de baccalauréat est un singulier compendium de l'âme ! Ce n'est pas avec la lo- gique qu'on fait l'homme. Ah ! faut-il que l'éducation au- jourd'hui en soit là , que les hommes du fini n'y trouvent rien à désirer ! Un écrivain de beaucoup de génie exprimait cette pensée qui serait si honorable pour notre espèce : Si le ciel avait ac- cordé plus de génie à f homme, il en aurait d'autant plus de vertu. Pour prendre un point de départ vrai, il faudrait re- tourner la proposition que présente cette antithèse. Ah! s'il suffisait, pour qu'il le fit, de montrer le bien à l'homme! Assurément, on ne sait de combien un degré de lumière pourrait rendre les hommes meilleurs ; car on ne sait de combien de secrètes vertus se compose, parmi nous, un seul degré de lumière! De toutes les notions de l'homme, la plus importante au fond, est la notion de l'absolu. C'est cette notion qui me semble amarrer l'âme à l'Infini. Elle s'est affaiblie en nous par l'oubli des grands sentiments et les abus de la logique ; de là tant de petits esprits. Je crois celle dégradation la plus irréparable de notre être. Une âme détachée des Cieux et qui en perd l'idée sur la terre, par où encore tient-elle à son origine ? C'est la notion de l'absolu qui mêle à nos sentiments, et peu à peu à nos idées, cet élément étranger qui les enlève à ce monde. Dans la pensée, elle produit cetle croyance que le bien esl le fond de tout, et dans le peuple elle établit ce