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LA MARGUERITE AU DÉSESPOIR. 187
« Comme la flamme ardente où l'on puise l'ivresse,
« Comme leflotdu lac que la brise caresse,
« Comme le lait, comme le miel.
« Qu'avez-vous fait du temps où, dans mes jeux folâtres,
« Les heures s'écoulaient libres de toutes lois;
« Où ma voile glissait sur des ondes bleuâtres,
« Où, sur les monts lointains, dans le chalet des pâtres,
« L'écho répondait à ma voix.
« Vous m'avez tout repris, le bonheur, le courage.
« Pendant que vous brisiez le chêne du chemin,
« Je marchais devant vous au plus fort de l'orage,
« Et vous m'avez crié, sans pitié pour mon âge :
« Tu n'auras pas de lendemain !
« Mourir ! lorsqu'au lever de ma riante aurore,
« J'était belle et charmais les cœurs qui m'oublîront;
« Quand le mien pour aimer demande à vivre encore;
« Quand la muse aux doux pleurs que la tendresse adore,
« A touché ma lyre et mon front!
» Épargnez-moi. Je suis la fleur échevelée
« Dont la lige a perdu sa sève avant le soir ;