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M. ANGELO FSIGNAM. 151 En outre, j'avais observé que, toutes les fois qu'elle entrait dans ses plus grands accès de fureur, elle parlait français, et répétait cette plainte : « Hélas ! c'est vous qui êtes la perte de mon ame ; c'est vous qui avez abusé de ma faiblesse ! » M'imaginant donc que j'avais découvert la cause de son mal, cause morale plus que tout autre, je résolus de secourir, avec tous les moyens moraux que je pourrais employer à sa guérison, cette femme infortunée. Le plus difficile à obtenir, ce fut qu'elle s'arrêtât sous ma fenêtre pour m'écouter. Chaque fois, quand je l'appelais, ou bien même quand je ne l'avais pas appelée, chaque fois que ses yeux venaient à se rencontrer avec les miens, elle me tournait subitement le dos, et redisait ses paroles accoutumées : « Je ne veux que mon mari. » Après que je l'eus vainement appelée pendant plusieurs jours, il me vint en pensée de lui parler ainsi : « Pécheresse L...., au « nom de Dieu, arrête toi. Je suis un ange envoyé du ciel, et venu « ici sous la forme d'un homme pour t'annoncer la parole du Sei- « gneur. » L...., tout en rebroussant chemin aussitôt, s'arrêta cependant à quelques pas de la fenêtre. Et je continuai : « Tes criminels rap- « ports avec les français ont offensé le Seigneur, qui voulait te « condamner aux flammes éternelle ; mais les prières de la très « sainte Vierge, pour laquelle tu as de la dévotion, ces prières t'ont « fait obtenir de lui ces maux que, depuis plusieurs années, tu vas • « supportant ici bas et les ont obtenus, afin que tu te rappelasses » que tu es une grande pécheresse, et que tu entrasses dans la voie « du salut. Puisque tu es maintenant dans cette voie, et que, en « expiation de tes fautes, tu endures les maux que Dieu t'a envoyés, « je te pardonne dit le Seigneur, et tu seras mienne. » L...., en entendant ces paroles, se mit à genoux, puis abaissan1 humblement la tête jusques à terre, elle remerciait le Seigneur avec des sanglots et des larmes. Elle se releva, fit le signe de la croix, et moi qui la regardais avec émotion, je dis : « L...,, je te « pardonne au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit. « Alors, elle se tourna vers moi, les yeux fermés cependant, et, m'ayant fait une très-profonde révérence, s'en alla tranquillisée.