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  746                       LA REVUE         LYONNAISE

 d'Haussonville, dont elles resteront, pour parler franc, le titre littéraire le
 plus solide. Mais il s'agissait, dans son cas. d'une autre valeur que M. Scribe,
 de l'un des plus français de nos écrivains modernes, d'Alexandre Dumas fils. Si
 l'Académie règle uniquement sa conduite sur des libertés de salon, oublieuse de
 sa dignité, comme il était dit tout à l'heure, on ne se privera plus de lui attribuer
 quelques-uns des scandales littéraires dont s'est amusée la galerie, ces derniers
 temps.
    Personne, par exemple, n'a ignoré, lors de la discussion des prix annuels, en
 juin, quelle opposition avaient trouvée, au sein même de l'Académie, de très
 justes enthousiasmes — et en très grande majorité, — pour la récompense à
 donner à Mistral, considéré comme une de nos gloires françaises On avait pu,
 craindre, à ce moment-là, que le grand provençal, sur de nombreuses instances,
 n'ambitionnât les palmes vertes. Comme s'il lui importait de briguer un fauteuil
 à Paris, quand il possède un trône d'or en Provence !
    Mais railler aussi hautement qu'il l'a été fait depuis, par deux ou trois membres
 de l'Académie, un usage consacré par le couronnement de Jasmin, puis de
 Mireille, lorsque d'abord un rapport aussi franchemeut élogieux que celui de
Legouvé sur Mistral, a trouvé un retentissement et une acclamation universelle;
lorsque enfin, un témoignage d'admiration unanime est adressé au poète comme
cet album des felibres de Paris où les plus grands noms français ont tenu à
s'inscrire en des pages qui resteront, — cela est indigne d'une société qui
devrait être la première du pays et du monde.
   Je sais bien que l'Académie française ne saurait exclure de ses délibérations
la discussion et la critique. Mais, au moment où on cherche à la confondre, il
va de sa dignité de garder les traditions.
  J'ai donc voulu constater seulement, une dernière fois, quelle inutilité peut
devenir l'Académie, par sa faute.                      P A D LM A R I É T O N .




        LES DIEUX INCONNUS. — Poèmes, par FRANCIS MELVIL. — Un vol. in-18,
         Jésus. Paris, A. Ghio, éditeur 1884.

    Il y a dans ce volume de vers autre chose que des mots et des rimes : il y a
 des pensées. Ces poèmes, corps robustes où circule la sève de la vie, une âme
 les anime. Est-ce à dire qu'il faut, même au point de vue de la forme, les louer
 sans réserve ? J'aurais la complaisance de le dire, que'le bon sens de leur auteur
s'en trouverait offusqué. Le vers de M. Francis Melvil est large, bien cadencé,
sonore ; il rappelle la manière de Victor Hugo, dans la Légende des siècles, et
celle de Leconte de Lisls : mais je trouve que par moments l'épithète, toute ima-
gée, toute pleine de couleur qu'elle soit, y est prodiguée outre mesure et frise la
cheville.
    Quant aux idées exprimées par le poète, c'est un domaine où il est souverain,
et où il ne m'appartient pas d'entrer. Qu'il me soit permis pourtant de regretter
la tournure franchement matérialiste de quelques-unes d'entre elles comme par
exemple dans ces vers qui terminent la pièce intitulée : A Marie :
              0 science, ô pensée, ô dons Irois fois maudits,
              Bonheurs illimités des vagues paradis,