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                     LE ROMAN N A T U R A L I S T E                        267

bre banale d'hôtel, le cadavre de la courtisane gît hideux et repous-
sant, tandis que sous les fenêires le peuple affolé passe en criant
furieusement : A Berlin, à Berlin ! Il est clair que l'auteur a voulu
peindre dans un tableau aux oppositions vigoureuses la période
impériale.
   Dans Pot-Bouille c'est encore mieux. Duveyrier au milieu de
son salon tonne vertueusement contre la débauche et déplore le
nombre toujours croissant des infanticides, pendant que sous les
toits dans sa misérable chambre, la malheureuse servante dont il a
fait sa maîtresse étouffe ses gémissements et ses cris pour pouvoir
cacher à tous l'enfant qu'elle va mettre au monde.
    Si nous avons fait toutes ces citations, ce n'est pas pour blâmer
l'antithèse en elle-même qui peut être légitime, c'est pour montrer
 que M. Zola critique facilement chez les autres les procédés qu'il
emploie lui-même. Cette manière heurtée, ces vives oppositions
 affectionnées par les romantiques, les naturalistes n'ont fait que
les transporter sur un autre terrain. Antithèses pour antithèses, je
 ne vois pas pourquoi celles de Victor Hugo ne secraient pas aussi
 bonnes que les leurs.
    Quelque part aussi M. Zola reproche au grand poète son style
 alambiqué et prétentieux quand il parle des enfants. Nous ne pou-
 vons sur ce point le comparer avec celui qu'il critique, car il sem-
 ble avoir jusqu'à présent peu étudié les enfants 4, mais en fait de
 style alambiqué il peut fournir partout d'assez jolis spécimens, par
 exemple la symphonie des fleurs dans la Faute de l'abbé Mouret.
    Albine a résolu de se suicider, et pour donner à son suicide une
 tournure suffisamment romanesque, elle s'asphyie avec des fleurs.
 Quand elle en a rempli sa chambre elle se couche. Ici citons tex-
 tuellement :
    « Elle écoutait les parfums qui chuchotaient dans sa tête bourdon -
 nante. Ils lui jouaient une musique étrange de senteurs qui l'endor-
 maient lentement, très doucement. D'abord c'était un prélude gai,
 enfantin ; ses mains, qui avaient tordu les verdures odorantes, exha-
 laient l'âpreté des herbes foulées, lui contaient ses courses de gamine

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   Sauf Jeanne dans lîne page d'amour, et encore en a-t-il fait une petite femme
amoureuse et jalouse.