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160 • LA RRVUR LYONNAISE fantastique, la campagne apparaissait, éclairée comme d'une lu- mière surnaturelle. Un incident bien inattendu nous ramena au réel. Encadrée dans les colonnettes d'une petite fenêtre ogivale, une jeune fille, une enfant nous apparut. Elle se détachait comme une peinture vivante, éclairée par une lumière qu'on ne voyait pas et qui semblait refouler autour d'elle les ténèbres; élancée, avec de grands yeux bruns veloutés, une bouche rouge comme la fleur éclose du grenadier, le teint d'un brun mat, prenant a la lumière des tons orangés. Un bout d'épaule ronde... peut-être davantage... des blancheurs entrevues plutôt que vues... De ses deux bras, gracieusement relevés en anse, elle arran- geait pour la nuit la masse noire de ses cheveux défaits. La vision fut assez rapide pour nous laisser seulement tout son charme et toute sa poésie, en nous voilant la vulgarité des détails. Au bruit que nous fîmes, l'enfant surprise et confuse, poussa un cri d'effroi et éteignit la lampe. Je ne nie pas que sept ou huit siècles auparavant, nous n'eussions cru à une houri venue en droite ligne du paradis de Mahomet, ou à une princesse captive, fille de quelque roi Maure, et retenue par un chevalier félon ; mais en l'an de grâce 1883, nous dûmes sim- plement reconnaître que nous venions de troubler le coucher d'une jolie villageoise, laquelle avait certes, à cette heure, toutes sortes de raisons de se croire à l'abri des curieux. Nous arrivâmes par une espèce de chemin de ronde, montueux, pierreux et longeant le rempart, crevé çà et là , au sommet du village. C'est là que les hauts barons avaient construit leur castel. Nous nous trouvions au milieu des ruines de l'imposante forteresse : un vaste préau nu, entouré de murs épais et élevés; au milieu,une haute tour carrée. Partout, des remparts troués, brèches ouvertes par les assiégeants; des entassements de terre et de débris, tombes peut-être des combattants. Car ce sombre donjon, où avait flotté pendant si longtemps la bannière des Balazuc, avait vu de sanglantes luttes et de cruels égorgements.