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298 LA REVUE LYONNAISE tiste a interverti les rôles. C'est le côté droit qui respire la vie et la divinité, et c'est le côté gauche qui s'affaisse et succombe. Dans le christ d'ivoire, la tête incline légèrement à droite; le corps est à peine infléchi et les deux pieds, tombant parallèlement à côté l'un de l'autre, sont cloués sur le même niveau. Dans le christ de buis, au contraire, la tête penche tout à fait à gauche; l'ensemble du corps, plus torturé et plus étreint par la souffrance, fléchit du même côté. Lajambe droite, pour soutenir le poids du corps qui s'affaisse, se relève par un léger pli du genou, tandis que la gauche retombe inanimée le long du bois de la croix où elle est clouée. L'œil gauche se ferme, noyé dans la mort; mais l'œil droit se lève ardemment vers le ciel et porte, jusque dans l'éternité, l'espérance d'une vie qui s'éteint ici-bas. Ce changement est tout à fait conforme aux traditions primitives de l'humanité, qui attachaient à la gauche une idée de malheur, d'impuissance, de quelque chose de sinistre, ainsi que le comporte l'étymologie du mot. La droite est, de tout point, supérieure à la gauche; elle exprime la force, le bonheur, la domination. Salomon s'écrie : « Le cœur du sage est dans sa main droite; le cœur de l'insensé est dans sa main gauche. » (Ecclés., x, 2.) Jehovah, s'adressant à sou Christ, lui dit : « Sede a dextris meis, assieds-toi à ma droite. » (Ps. cix, 2.) Au jour du jugement, les élus seront placés à la droite du Sou- verain Juge et les damnés à sa gauche. A côté même de Jésus, le bon larron était crucifié à sa droite, le mauvais à sa gauche. Toutes les bénédictions se donnent de la main droite. Le signe de la croix se fait en portant sa main droite au front, etc., etc. Ce changement est également conforme aux lois de la symbolique chrétienne, qui font dévier à gauche sur leur axe nos grandes cathédrales, pour imiter la position du corps de Jésus-Christ sur la croix J. 1 II faut remarquer que dans ces cathédrales le corps et le chevet ne sont pas inclinés du même côté. Le chevet, qui est la tête du Christ, penche du côté droit et le corps est infléchi sur le côté gauche. Tous les crucifix du commerce suivent cette loi et Jean Guillermain l'observa dans son premier ouvrage, le Christ d'Avignon. Cetle règle dérive de l'orientation présumée de Jésus-Christ sur la croix. (Bégule,