page suivante »
604 LA REVUE LYONNAISE suffire à satisfaire à tous nos instinets de beauté. Dans Jean Tisseur, la pensée moderne est toujours présente; les flancs du vase grec recèlent le parfum étrange et subtil de l'âme humaine à notre temps. Chacun de ces petits poèmes si artistement composés, l'Idole, les Réseaux, les Parts, le Javelot rustique, renferme un symbole : sub vélo latet. L'idée génératrice du Javelot rus- tique est non seulement une idée moderne, mais même une conception toute récente de l'humanité, dont nous trouverons souvent la trace dans les pièces de Jean. Sous les vers pleins de nombre de Y Idole, dans ce bois sacré dont la peinture est détachée d'un temple d'Eleusis, s'agite l'âme inquiète de notre temps, se révèle une pensée même qui ne pouvait exister avant l'avènement de la religion chrétienne. Jusqu'à cette admirable Epitaphe imitée du grec a des accents dont on chercherait vainement le plus faible écho dans l'anthologie. Remarquez que l'on ne parle pas ici de ses pièces intimes, avec leur sentiment si particulier, si personnel, mais seulement des morceaux antiques, qui sont, il est vrai, telle- ment baignés dans la lumière de la Grèce, que les observateurs des simples dehors ont été tout de suite amenés à les rapprocher des idylles de Ghênier. Le vers lui-même, avec celui de Chénier, n'a que la parenté de la structure, je le répète, l'articulation qui lui donne la liberté. Gomme celui de Chénier, c'est un bracelet rompu à chaque anneau. Mais dès que le poète sort des sujets antiques où il res~ treint volontairement son vocabulaire dans le cercle lumineux des images grecques, il a toutes les curiosités de l'esprit moderne, maintenues sous la verge régulatrice du goût. Il ne dédaigne même pas les hardiesses dans les images et dans le choix des mots : Tout vous criait d'aimer, l'oiseau, l'herbe attendrie. . . Le brin d'herbe Rit, comme au mois d'avril, d'un beau vert que ravive L'étreinte des cristaux, aux nœuds diamantés. Du printemps pressenti tu décores Y orée.- . . •. La langue du vers de Jean Tisseur est communément une langue monosyllabique. J'entends par là que son vers est composé d'un