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r LE CONTE 589 besoin de déguisement et de renouvellement analogue à celui qui fait encore aujourd'hui la fortune du Mardi gras. Ce sont là autant d'auditeurs ou de narrateurs composant le public habituel des contes. On remarquera maintenant que, pour l'enfant, la nourrice, le sauvage, l'oriental, etc., ce monde-ci n'a pas d'histoire, ou plu- tôt n'en a qu'une, variée d'incidents et de fond identique, le cercle de la vie. Pour eux le développement de l'humanité', qui modifie sans cesse les événements comme les croyances, n'existe pas : ils l'ignorent. Ils voient les choses rouler sans fin dans la carrière bornée de l'existence pour l'homme et de l'année pour la nature. La marche de la civilisation passe au-dessus ou à côté de ces esprits naïfs, dont l'activité intellectuelle se dépense dans le même rêve d'une vie métamorphosée, et métamorphosée à peu près de la même manière pour tous, parce qu'ici toute variation historique est absente. La même littérature leur suffit donc éternellement, en offrant à des besoins toujours semblables des satisfactions toujours les mêmes. Ainsi, l'une des particularités du conte est la durée. A côté de cette caractéristique il en existe une autre, qui est, si l'on peut dire, l'universalité. Dans la naïve littérature dont le recueil de Perrault ne nous représente qu'une bien faible partie, la même donnée se retrouve souvent presque sous les mêmes formes chez un grand nombre de peuples, et de peuples très éloignés ou très différents les uns des autres. Quand on ne sort pas d'une même famille de peuples, ou tout au moins de langues', le fait s'explique : dans l'intérieur du groupe indo-européen, par exemple, dont la langue s'est déve- loppée et ramifiée d'une façon régulière et connue depuis la période qui a précédé la civilisation hindoue, les contes ont pu et ont dû se transmettre de peuple à peuple, avec la langue et avec tout un bagage commun de croyances, d'idées et de coutumes. Il n'y a par suite rien d'étonnant si l'on rencontre la même fable dans l'Inde, la Grèce, l'Allemagne, etc. Mais les contes ne se. sont pas seulement manifestés de cette manière relativement simple : ils semblent encore, au moins à première vue, avoir passé d'une race à une autre, sans qu'on aper-