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                              BIBLIOGRAPHIE                                     745
s'en est chargée. « Quand on s'appelle Soulary, m'écrivait à ce propos le plus
grand esprit que je sache, on s'accoude sur son œuvre et on regarde passer l'eau. »
Et, sans plus se soucier des dires des uns et des autres, l'ermite des gloriettes
eût bientôt repris la rêverie interrompue :
                 Dieu fit l'esprit ailé pour qu'il s'enfuie
                 Aux horizons les plus étincelants !...

                                          II
   L'heureux de l'affaire aura été encore le pauvre comte d'Haussonville qui ne se
sera jamais trouvé à pareille fête. De mémoire d'homme, aucun fauteuil vacant
n'avait suscité autant de candidats. Sans parler de Leconte de Lisle et de l'hono-
rable M. Bocher dont nous avons tout dit, ni des quatre candidats demeurés en
présence : Halévy, Manuel, Bornier et Jules Barbier, trois autres noms, inéga-
lement connus, avaient figuré sur la liste : Jules Lacroix, qui s'est récusé comme
on le sait; M. de Pontmartin, un charmant critique de prosateurs, mais qui n'a
jamais été que le clair de lune de Sainte-Beuve, et M. Ed. Grenier, pâle reflet
(puisque reflets seulement il y a) de Victor de Laprade, qui ne fut lui aussi qu'un
clair de lune du grand Lamartine...
    Trop peu d'originaux dans cette affaire '.
   Et le public se demandait avec quoi rimaient les candidatures de M. Manuel
et de M. Grenier, quand des romanciers comme Daudet, Theuriet, Zola; des
critiques comme Brunetière, Maxime Gaucher, Weyss, des maîtres ! des écri-
vains comme Paul Arène, l'auteur de Jean de Figues, Barbey d'Aurevilly, Blaze
de Bury, qui apporte depuis quarante ans une note artistique si influente à la Revue
des Deux Mondes! Arsène Houssaye, etc          des poètes comme Soulary, Leconte
de Lisle et, enfin, Mistral, admirable écrivain français lui aussi, ne figurent
point dans une compagnie littéraire qui se dit la première du monde. Vous me
répondrez, en vérité, qu'on y trouve MM. X, Y et Z ! Le fait est que je n'y
pensais plus.
   « La sagesse et les convenances, disait déjà, en 1836, Gustave Planche à
propos de l'élection de Scribe, ne se réunissent-elles pas pour prescrire dans le
choix des candidats plus de scrupule et de sévérité?... Mais railler le récipien-
daire en pleine Académie, n'est-ce pas travailler de ses mains à ébranler la
maison ? N'est-ce pas appeler l'indifférence et la déconsidération sur une com-
pagnie que la France veut bien prendre au sérieux ? Encore deux ou trois acqui-
sitions de la même valeur que M. Scribe, et l'Académie, malgré les noms recom-
mandables qu'elle renferme, n'offrira bientôt plus l'étoffe d'un couplet. A l'heure
qu'il est, elle joue le même rôle que la noblesse française au dix-huitième siècle,
pour prévenir la moquerie des philosophes; elle prend l'initiative et se moque
d'elle-même... Elle fait bon marché de sa grandeur; elle se tourne en ridicule
et se chatouille pour se desserrer les dents ; mais elle ne prévoit pas qu'un jour
la foule s'avisera de la prendre au mot, et sera sans respect pour un corps litté-
raire si peu ménager de sa propre dignité. »

                                        ni
   Ces railleries que G. Planche reprochait à Villemain à l'endroit de M. Scribe,
 nous les avons retrouvées naguère sur les lèvres si spirituelles de ce même
      NOVEMBRE 1884. - T. VIII                                             47