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                                BIBLIOGRAPHIE                                              743
marchais que Mgr Ricard a voulu venger de critiques aussi injustes que spiri-
tuelles.
   Louis-François-Glaude Marin, né à la Giotat en 1721, eut des débuts assez
pénibles, mais grâce à son énergie, il parvint à des fonctions très importantes
Censeur royal, chargé de la surveillance des théâtres, secrétaire général de la
librairie, rédacteur de la Gazette de France, favori du duc d'Aiguillon, Marin
fut entraîné dans la disgrâce du triumvirat Maupeou, Terray et d'Aiguillon en
1774. Beaumarchais et ses nombreux amis accablèrent le malheureux gazetier de
leurs sarcasmes et Marin, ridiculisé, bafoué, se retira à la Giotat, où la sympathie
do ses concitoyens le consola de tant de déboires. Après la Révolution, il
revint à Paris où il mourut en 1809, regardé comme le doyen des hommes de
lettres en France.
   La réputation de Beaumarchais a fait trop longtemps adopter lé jugement qu'il
a porté sur Marin. Déjà, cependant, il y a quelques années, M. de Loménie avait
signalé les exagérations de Beaumarchais, mais sans traiter à fond la question.
Au plaidoyer haineux do Beaumarchais, il fallait opposer un récit calme et
complet de la vie de Marin, pour rétablir la vérité altérée par la passion.
Mgr Ricard s'est mis à l'œuvre, sans se laisser arrêter par les difficultés. Il a
multiplié les recherches, fouillé les bibliothèques de Paris et le dépôt des
archives nationales, compulsé les journaux littéraires de l'époque et recueilli de
tous côtés les matériaux à l'aide desquels il a composé le volume qu'il publie
aujourd'hui sous ce titre : Une victime de Beaumarchais.
   Après avoir lu ces pages écrites avec amour et souvent éloquentes, nous
 devons convenir qu'il a fait à la fois œuvre de saine critique et de justice. Il
 faut décidément s'inscrire ea faux contreles accusations passionnées de Beau-
 marchais ; elles ne résistent pas à un examen impartial.
   Mgr Ricard a accumulé preuves sur preuves et il a été assez heureux pour
 découvrir quantité de documents inédits qui lui permettent d'éclaircir bien des
 points obscurs. Il faut signaler avant tout la correspondance de Marin avec le
 conventionnel Goupilleau publiée pour la première fois d'après l'original. Com-
 mencée le 26 août 1794, cette correspondance se termine au 23 juillet 1794. Ces
lettres sont un tableau vivant de l'état des esprits à Paris, après le coup de
 vigueur qui renversa Robespierre et durant la période de tâtonnements qui
 aboutit à la constitution du Directoire. 11 est inutile de faire ressortir l'importance
de ces lettres écrites par un témoin oculaire et fort bien renseigné. Elles forment
l'une des parties les plus piquantes du livre de Mgr Ricard.
   Notre époque aime ces restaurations de figures oubliées et méconnues, elles
sont toujours favorablement accueillies par le public intelligent. Mgr Ricard
remet la figure de Marin dans son véritable cadre, il réduit à néant les calomnies
de Beaumarchais, il apporte de l'inédit à pleines mains et publie un véritable
journal d'un homme de lettres sous la Convention : ce sont là des titres qui suf-
firont largement au succès de son nouveau livre, écrit d'ailleurs avec cette
chaleur, cette élégance et cette légèreté de plume qui caractérisent ses précé-
dents ouvrages.
                                                              A.-J.     RANCB,
                                                 Professeur à la Faculté de Théologie d'Aix.