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BIBLIOGRAPHIE 731
LA. RENAISSANCE EN ITALIE ET EN FRANCE à l'époque de Charles VIII,
par EUGÈNE MUNTZ. Paris, Firmin-Didot, grand in-8 de 600 pages, avec
300 gravures et 38 héliogravures de Dujardin. Prix : 30 fr.
Voici un beau livre.
Parmi les nombreux volumes qui me sont envoyés chaque jour, c'est à peine
si j'en trouve un, de temps en temps, qui vaille une critique. Les éditions somp-
tueuses ne manquent pas, cependant. Mais comment louer un ouvrage dont les
dehors seuls font le prix ?...
Jamais l'étude de la Renaissance, de ses merveilles et de ses origines, n'a été
si fort en honneur qu'aujourd'hui. La plus belle édition contemporaine, à mon
avis, celle de la Renaissance en France de M. Léon Palustre, accompagnée des
admirables eaux-fortes de toutes grandeurs de M. Eugène Sadoux, édition qui
n'en est qu'à son X e fascicule, a déjà répandu dans la critique une sympathie
toute spéciale envers cette unique période de l'Art français, incomparable pour
faire apprécier le goût, national et l'atticisme de notre Art dans ses assimilations.
Je reproche au beau livre de M. Palustre d'être trop l'œuvre d'un archéologue
ou d'un architecte. J'aimerais à voir encadrant ces monographies savantes et ces
merveilleuses eaux-fortes, des études littéraires, esthétiques, anecdotiques d'un
historien ou d'un poète, comme vient de faire M.MarcMonnier dans son excellent
livre : La Renaissance de Dante à Luther.
M. Eugène Miïntz, en se consacrant spécialement à l'époque de Charles VIII,
en France et en Italien pu étendre ses développements esthétiques et composer
ainsi un ouvrage, sinon définitif— avec la manie des livres d'étrennes illustrés sait-
on jamais où l'on s'arrête ! — du moins jusqu'ici nécessaire et en tous cas ori-
ginal. Sous la direction et avec le concours du feu due de Ghaulnes, son ami, dont
il nous esquisse avec émotion la courte vie, dans sa poétique préface, l'auteur a pu
rassembler les documents inédits et reproduire les monuments dont il avait besoin
pour décrire, plus complètement qu'on ne l'avait fait encore, cette période de
glorieux enfantement.
Le très savant bibliothécaire de l'école des Beaux-Arts est aussi l'un de nos
maîtres en esthétique et sa plume exprime avec passion ses jugements toujours
justifiés.On en avait déjà la preuve par son Raphaël, une monographie classique,
et ses Précurseurs de la Renaissance, un ouvrage capital aussi, mais, comme le
précédent, inabordable aux travailleurs modestes. Avec sa Renaissance sous
Charles VIII, M, Eugène Muntz comble un vide important et achève magistra-
lement la seule histoire que nous ayons de l'art moderne, depuis Giotto jusqu'Ã
la mort de Raphaël.
Ayant posé les principes qui régissent le sujet, il examine, aux différents points
de vue du sentiment religieux, du patriotisme, des lettres et de l'éducation des
artistes, quel a été l'esprit de la première renaissance. Quelques-uns de ces
chapitres sont d'un maître-écrivain, tel ce portrait de l'humaniste Philelphe qui
le grave en traits profonds dans l'esprit avec son milieu et l'état des études en
Italie dans les cours de Rome et de Florence vers la fin du XV e siècle. Puis
l'auteur examine l'influence du nouvel état do choses au point de vue des centres
glorieux de son développement, Milan, Venisj, Florence, e t c . . où l'on vit tour Ã
tour les tyrans magnifiques, les despotes lettrés et les humanistes couronnés se