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454                        LA REVUE LYONNAISE




      HENRI IV. Vie privée. Détails inédits, par G. BASCLE DE LAGRÈZE. — Paris,
                           Firmin-Didot et G'*, 1884. 1 vol. in-I2.

     Voici un titre et un nom qui promettent. L'auteur est connu : il a publié de
 nombreux travaux historiques qui ne sont pas sans valeur et qui attestent avec
 une grande patience une ardeur infatigable pour le travail. Quant à Henri IV,
 quel roi est resté plus populaire et quel personnage a donné lieu à plus de
 biographies sans épuiser jamais l'avide curiosité du lecteur ? M. de Lagrèze en
 compte seulement 1175 sur le catalogue de la Bibliothèque Nationale, et la collec-
 t on est loin d'être complète. Nous ne voudrions pour rien au monde diminuer
 l'attrait que le Béarnais inspire ni l'estime qui s'attache au nom de son nouveau
 biographe. Il faut pourtant confesser que le titre dont celui-ci a fait choix est
 bien grand pour un si petit volume et qu'il est peut-être propre à provoquer une
légère désillusion. M. de Lagrèze nous entretient de Henri IV, de sa vie domesti-
 que, do ses goûts, de ses habitudes, de son ménage, de ses serviteurs, de ses
alentours et les détails qu'il a pieusement rassemblés sont, il est vrai, presque
 tous inédits, puisqu'il les a empruntés aux archives de la chambre des comptes do
 Pau, qui était chargée du règlement des recettes et dépenses du roi de Navarre.
 Mais Henri IV y revit-il tout entier, et, malgré leur authenticité incontestable,
 ces minutieux détails ont-ils tous un égal intérêt ? Ce que nous prisons, ce dont
 nous ne nous lassons jamais chez le bon roi, c'est sa vaillance, sa mâle énergie
 et sa constance dans l'adversité, c'est sa double lutte contre l'insurrection et
l'infortune, c'est son amour pour le pays, sa générosité chevaleresque, sa
 fidélités à ses amis, sa tendresse non simulée pour le faible et pour le pauvre,
c'est aussi cette bonne humeur inaltérable et sa confiance dans son droit, qui le
sauvèrent de tout découragement et le protégèrent jusqu'au milieu de ses dis-
grâces. Qu'on nous le montre tel qu'il était ainsi, même en se répétant, nous
applaudirons, et les défauts de l'homme, que l'historien consciencieux ne saurait
 taire, seront eux-mêmes impuissants à affaiblir à nos yeux émerveillés l'éclat de
 ces hautes et rares qualités du monarque. Qu'importe, après cela, que sa maison
ait compté tant d'officiers et que ses officiers aient touché tant de gages, qu'il ait
eu deux ou trois « galoppins de cuisine, » et que l'on nous cite les noms de ses
 « tournebroche3 », de ses valets de chiens et de ses « maîtres du gobelet | » que
l'on fasse l'inventaire de ses harnais, la description de ses chemises brodées et
le décompte des épices employées à sa table ; qu'importe qu'il ait été amateur de
pêches, d'abricots, de dattes et de confitures et qu'il aimât à envoyer aux filles
de la chambre de la reiae des dragées avec des verres d'eau sucrée ! Rien, dit-on,
n'est puéril dans la vie d'un grand homme. Gela est vrai, à la condition pourtant
que les détails superflus ne l'emportent pas sur les nécessaires. Mais est-il
absolument nécessaire pour l'histoire de ne pas ignorer qu'un jour le roi de
Navarre fit porter à la Fosseuse une livre trois quarts de massepains ? M. de
Lagrèze a cru indispensable de joindre à cette authentique, mais bien longue
nomenclature, un chapitre intitulé les amours de Jeanne d'Albret et destiné
à établir la légèreté des mœurs de la reine qui donna le jour à Henri IV.
Avouons-le, l'accusation est loin d'être prouvée et, quels que soient les arguments
invoqués, nous ne sommes nullement convaincus. Mais le fait serait il probable,