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422                  LA REVUE LYONNAISE
voix vibre et saute dans l'espace comme l'archet de liège sur les
touches en cristal d'un harmonica.
   Une fille de Sainte-Thérèse me disait : « Admirez comme Dieu
partage bien les dons entre les créatures ! Le paon éblouit par son
plumage, mais son cri rauque désenchante ; le rossignol est chétif,
il est vêtu comme un pauvre, chante-t-il, point de musique aussi
enlevante. Et le crapaud, est-il laid! Ah! bon Jésus, la vilaine
Ci'éature! Toutefois (je le dis à vous), lui seul, dans la solitude,
m'émeut à souhait, et m'aide à méditer... »
                                  *

   Mme de Sévigné et Labruyère ont, sur les paysans, une page
sombre que nos économistes et politiciens, singulièrement émus, et
pour cause, citent avec triomphe : « Ah! que la condition de l'habi-
tant des campagnes est bien meilleure, grâce à la Révolution!.. »
   A la vérité, le sort du paysan est toujours le même.
   Prenez une marquise, élevée dans l'abondance, un courtisan
accoutumé aux splendeurs de Versailles, ou encore, un de nos
princes de la finance, ou d'autre chose, environné du confort et du
luxe des grandes'villes, montrez-leur tout à coup, surplace, et la
demeure sordide d'un de nos bons paysans, et son lit affreux, et sa
table ignoble, et son pain grossier, et son linge lourd et dur, et ses
habits maussades, et sa nourriture écœurante, et sa boisson nau •
séabonde, et sa vie âpre, étroite, désolée, exploitée par tous, trom-
pée par tous, aggravée par tous; montrez-leur cela, tout cela, et
le reste, et s'ils ne jettent pas le cri d'horreur, de pitié peut-être,
du grand moraliste et de la bonne épistolière, c'est qu'ils n'auront
ni cœur ni esprit.


  Tout campagnard qui apprend à lire et à écrire renonce dans
son cœur à la campagne.
                             *
  Le paysan qui va s'établir en ville tombe par son propre poids
dans les bas-fonds.

  Un oiseau rare, c'est un « passe-paysan » délicat, et point superbe.