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  364                   LA RKVUIÃŽ LYONNAISE
        Il est vrai que le poète a terminé beaucoup de ses récits par une
    apparente moralité, mais ce n'est que pour la forme, pour imiter
    ses modèles de l'antiquité et du moyen âge. Du reste, il n'a pas la
    prétention, lui le conteur léger et amusant, au rôle sévère d'édu-
    cateur de l'humanité.
       Dans ce débat sur la valeur morale des fables de La Fontaine, la
    vérité ne paraît être tout entière dans aucun de ces systèmes abso-
   lus qui prétendent réduire à une formule unique le jugement à
   porter. Le recueil des fables est L'œuvre la plus variée, où l'huma-
   nité toute entière est passée en revue. Ramènera un principe unique
   l'infinie mobilité de nos sentiments et de nos actions, La Fontaine
   n'y a jamais songé et celui qui y songerait pour lui, ferait fausse
   route.
      En somme il y a dans le recueil des fables de La Fontaine, au
   point de vue de l'enseignement moral, un choix à faire. Sa morale
   est capricieuse. C'est celle d'un poète préoccupé d'émouvoir avant
  d'enseigner, parlant au cœur plus qu'à l'esprit, adaptant le mieux
  possible la leçon au sujet, plutôt que le sujet à la leçon. Entraîné
  par son imagination, le poète subit l'influence de l'idée du mo-
  ment et change atout instant de point de vue. De là un ensemble de
  préceptes sans suite, souvent contradictoires, qui ne supportent
  pas un jugement absolu, et qu'il ne faut même pas prendre trop au
  sérieux.
      Un esprit rigoureux a beau jeu à critiquer la morale des fables
  de La Fontaine. Rien n'est plus facile de démontrer l'inconvénient
  de sa méthode qui consiste surtout à opposer un vice à un autre
  vice, sans grand profit d'ailleurs pour la vertu. 11 suffit de rappeler
 les fables si nombreuses où l'on voit un coquin spirituel profiter de
 la sottise d'un vaniteux, d'un gourmaud, d'un poltron, d'un avare,
 d'un flatteur. Sans doute il est bon que la lâcheté, la cupidité, la
 basse flatterie, l'orgueil soient punis ; cependant la morale n'y
 gagne rien, si l'aventure se termine par le triomphe de la ruse et
 de la méchanceté.
     La saine morale doit tendre à rendre l'homme plus vertueux et
 non pas plus apte à faire des dupes. Elle commande aux hommes
d'être sages et non pas habiles. Elle ne trouve pas son compte dans
le succès des fourberies même spirituelles ou des mensonges utiles.