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316 LA REVUE LYONNAISE Ce qui n'empêche pas, de temps en temps, Jean Gaussin de par- ler haut à Fanny, et de lui cracher aux joues ses ignominies de fille ; ni Fanny Legrand de lui jeter à la tête sa maison ruinée et sa famille avilie par la faute de César, son aîné, imprudentes con- fidences des heures d'abandon, qu'elle lui rend profanées par la colère. Que voulez-vous, quand ce n'est pas la grandeur qui rapproche, c'est la bassesse. Pauvre futur consul ! Le temps se hâte ; les examens, puis les adieux... On lui propose un beau mariage. Il s'arrache à Sapho, se retire à Paris... Il comptait sans la tyrannie de l'habitude, du souvenir. Fanny, qu'il revoit, le reconquiert. Enviable alliance, réhabili- tation sociale, réconciliation avec sa famille... « balançoires » que tout cela! Nommé consul en pays d'Orient, il emmènera Sapho. Il prend les devants, et descend en Provence. « ... Dès le soir de son arrivée à Castelet, quand son père a su que le mariage était rompu, et qu'il en a deviné les causes, une explication a eu lieu, violente, terrible... « Il n'en parlera jamais, mais il s'en souviendra toujours... Toujours il reverra ce grand vieillard aux joues convulsées et remuantes, marchant sur lui avec cette bouche de haine, ce regard de haine, proférant les paroles qu'on ne pardonne pas, le chas- sant de la maison et de l'honneur : « Va-t'en, pars avec ta gueuse tu es mort pour nous !.. » Jean « s'enfuit désespéré avec un remords qui ne le quitte plus » ; il se réfugie dans une auberge de Marseille, près du port, atten- dant l'arrivée de Fanny et le départ du vapeur qui emportera le couple en Orient! De Fanny, point! mais une lettre d'elle : « Eh bien, non! je ne pars pas, lui écrit cette femme ; c'est une trop grande folie dont je ne me sens pas la force... Moi qui aime tant ne pas bouger, et qui ne suis jamais allée plus loin que Saint- (iermain, tu penses !... » ... « Et le néant de sa vie détruite, ravagée, toute de débris et de larmes, lui apparut... et pour eette femme qui lui échappait... »