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DECOUVERTE D'UN CHRIST EN BUIS 309 En second lieu, la confrérie des Pénitents d'Avignon avait fait faire par le même maître un christ mort de buis. Notre christ est bien de buis; il a été fait parle même maître. Mais est-il mort, tout à fait mort? Tout à fait mort, Ses yeux seraient éteints, sa bouche serait fermée et sa tête retomberait inanimée sur sa poitrine, comme la nature le veut et comme saint Jean l'a dit expressément : « Et inclinato capite, Iradidit spiritum (Joan, xix, 30) ; et laissant aller sa tête, il rendit l'âme. » Seulement faut- il pousser ce terme mort jusqu'à cette rigueur d'interprétation ? Les affres de la mort sont ici si visibles, que plu- sieurs ont voulu voir sur les lèvres mourantes du crucifié la dernière parole qu'il proféra en expirant. Et dixit : consummatum est (ib.). On pourrait donc, à toute force, admettre que les Pénitents noirs aient vu sur ce douloureux visage l'empreinte de la mort elle-même. La dernière observation est d'une plus grande portée et tend à résoudre la question. Parmi les sources d'information les plus sures et les plus sérieuses que j'ai consultées, j'ai cité M. l'abbé Bouvard, curé à Saint-Chamond. Or, selon son témoignage très explicite, ilfaut placer à Lyon, et non à Avignon, toute la suite des événements qui composent cette histoire. Quand éclata la grande Révolution, le christ en question, appartenait à une communauté religieuse, à un couvent de notre ville. On n'a pu me dire ni le nom, ni l'ordre, ni l'habit, ni la position de cette communauté reli- gieuse. Le personnage qui sauva le christ, était Lyonnais; il fut emprisonné, décapité à Lyon. Sa femme resta sous le même toit, et c'est près de ce foyer, qu'elle n'avait pas quitté, que M. Gattet la rencontra un jour souffrante et malheureuse ; et c'est là qu'elle lui remit le christ, qui n'a eu à subir ni transportation ni exil. Pour moi, j'avoue qu'il me plaît de penser que ce christ est à nous et a été fait pour nous ; que le chef-d'œuvre de Jean Guil- lermin lui a été inspiré sous les cieux, où il avait puisé son nom, son sang et son génie, et qu'en travaillant pour sa ville natale, l'artiste lyonnais mit dans son œuvre toute son âme et tout son cœur, comme il y « employa tout son scavoir et industrie. » Il me plaît d'espérer que ce christ n'est pas le seul et l'unique qui soit encore parmi nous ; que si nos familles lyonnaises regar- daient de plus près les crucifix qu'elles ont reçus de leurs pères,