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308 LA REVUE LYONNAISE viendra-t-ilaprès moi? Il tombera dans des mains indifférentes, profanes, infidèles peut-être. Sur votre prie-Dieu, il sera à sa place. — Mais je ne puis pas vous le payer. — Oh! Monsieur le Curé, je ne le vends pas, mon Christ. Je le remets en vos mains, pour que de moi il vous souvienne quelquefois, lorsque vous serez à genoux à ses pieds. M. l'abbé Cattet prit le crucifix et, plus tard, en racontant cette histoire, il ajoutait en souriant : « Je crois bien que c'est la seule fois de ma vie que j ' a i recueilli autant que j'avais semé. » Le digne homme, sans s'en douter, avait recueilli plus qu'il n'avait semé. Il ne connut jamais toute la valeur esthétique de cette œuvre de l'art humain, qui lui était donnée, mais il connut et goûta longtemps tout le prix de l'œuvre divine qui était empreinte sur ce bois. Là , il passa les meilleures heures de sa vie, après celles qu'il donnait aux travaux de son ministère pastoral. On fera du bruit autour de ce morceau de bois, qu'a touché la main du génie. On donnera des sommes énormes pour le posséder. On l'offrira dans les Musées en spectacle à l'admiration des siècles. Mais le meilleur de la destinée de cette branche de buis, en qui tout l'Évangile respire, sera encore d'avoir servi à consoler des âmes cruellement éprouvées par la douleur, et d'avoir reçu, dans le secret des nuits, des confidences d'amour, comme il ne s'en fait nulle part au monde, sinon aux pieds du crucifix. Jusqu'ici, j'ai résolument admis que le christ de M. Waldmann était le christ mort de buis, dont on pleurait la perte à Avignon depuis quatre-vingt-dix ans. C'est l'idée qui s'est spontanément présentée à l'esprit de tous et n'a d'abord souffert aucune incerti- tude. Mais la chose est loin d'être aussi certaine qu'elle l'a paru d'abord. Pour donner à mon récit toute sa fidélité, je dois dire que cette solution prématurée est soumise à deux ou trois difficultés, que je vais exposer. Eu premier lieu, les documents que j'ai cités ne rattachent pas directement et d'une manière explicite le christ de Lyon à la ville d'Avignon. 11 n'est pas dit comment, à quelle date, par suite de quelles circonstances il aurait été transporté d'Avignon à Lyon. Ce fait important reste absolument dans l'ombre.