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284 LA REVUE L Y O N N A I S E transportent dans un milieu dangereux les lecteurs qui pourraient y être soustraits. Nous avouons ne pas comprendre l'influence des milieux autrement que par la contagion de l'exemple. Si donc vous voulez agir sur un milieu, ce sont les exemples de conduite sage et réglée que vous devez chercher à mettre en lumière, et vous devez au contraire cacher avec soin toutes les plaies hideuses du corps social que vos investigations de savant vous feront décou- vrir, ou du moins réserver ces découvertes pour ceux qui ont la possibilité de modifier les milieux. Ceci nous amène directement à l'examen du second argument présenté par M. Zola. On ne saurait faire une œuvre immorale quand on fait une œuvre de vérité et de science, — soit ; — mais que diriez-vous du médecin, du chirurgien qui au lieu de réserver pour l'amphithéâtre,ses expériences, pour la salle d'hôpital ses opérations, les ferait en pleine place publique et sous les yeux de tous ? Et que faites-vous donc autre chose en livrant à la publicité vos études sociales ? Mais, direz-vous, nous n'avons pas la prétention d'écrire pour tout le monde et il n'est pas sage de mettre nos livres entre les mains des jeunes filles. Fort bien. Revenons pourtant à notre comparaison de tout à l'heure. Que diriez-vous de la mesure qui ouvrirait à tous sans distinction les amphithéâtres de la Faculté de médecine et les salles des hôpitaux? Vous protesteriez et vous auriez raison. Or vos livres ne sont pas faits pour un public restreint et spécial comme l'enseignement scientifique. Vous les publiez dans la presse, vous savez faire autour de leurs titres la large et habile réclame qui assurera une vente fructueuse. Quand le livre a une fois réussi, vous en inondez la France et l'Europe, vos éditeurs se vantent sur la couverture du nombre d'exemplaires déjà vendus; après les éditions courantes viennent les publications à bon marché, les fascicules illustrés, les mille moyens employés aujourd'hui pour attirer les lecteurs de toutes classes. Et vous ne seriez pas responsables de cette publicité indiscrète donnée aux études qui, si elles étaient faites dans un pur but de science, ne devraient passer que sous les yeux de l'homme sérieux, du philosophe, du médecin, de l'homme de loi, de l'homme d'état? Non, non, la