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                    LE ROMAN NATURALISTE                           ' 279
de la débauche faite pour l'agrément des lecteurs. Le Lut scien-
tifique, la leçon du vrai n'apparaît jamais ; quand il y a un dévoue-
ment moral, ce qui arrive souvent, ce dénouement a été plaqué
après coup ; il ne découle pas des faits, il n'a pas l'utilité d'une
expérience essayée sur des éléments humains .
    « Notre roman est donc absolument original et ne tient en rien
au roman du passé ; ou, du moins, depuis le commencement de ce
siècle, l'ancienne formule a été tellement modifiée par l'emploi des
méthodes scientifiques, qu'il en est résulté une formule toute
 nouvelle, apportant avec elle un art et une morale. Cette morale
je l'ai définie dans mon étude sur le roman expérimental, et je ne
 puis que répéter cette conclusion : Nous montrons le mécanisme
 de l'utile et du nuisible, nous dégageons le déterminisme des phé-
 nomènes humains et sociaux, pour qu'on puisse un jour dominer
 et diriger ces phénomènes. En un mot, nous travaillons avec tout
 le siècle à la grande œuvre, qui est la conquête de la matière, la
 puissance de l'homme décuplée ».
     La citation est longue, mais nous n'avons rien voulu retrancher
 du plaidoyer pour qu'on ne nous accuse pas de l'affaiblir. Plus loin
 pour l'appuyer M. Zola cite un exemple. Après avoir montré
 comment le marquis de Sade qu'il traite d'idéaliste, comprend la
 fille, il en vient à la fille étudiée par les naturalistes :
     « Maintenant, voici un romancier naturaliste qui veut étudier
  une fille publique. Il prendra la fille dans sa généralité, dans sa
 vulgarité. Il la montrera déterminée par l'hérédité et par le milieu ;
  si elle glisse à la débauche, c'est qu'elle y a été poussée par l'ivro-
  gnerie des parents et par les promiscuités des faubourgs. Puis,
 l'auteur, en la suivant pas à pas, en l'analysant dans ses vêtements,
  dans sa demeure, dans les hommes qui l'approchent, montrera son
  rôle social, établira nettement de quelle façon elle désorganise
  et détruit. Dès lors, on voit quelle haute morale pratique découle
  de l'œuvre. Ce n'est plus le cauchemar d'un catholique détraqué
  par la préoccupation du diable ; c'est un savant, un observateur et
  un expérimentateur qui fournit et classe des documents humains.
  Voilà une vraie fille, voilà comment elle pousse et comment elle
  fonctionne ensuite, voilà les faits établis par l'observation et par
  l'expérience ; désormais puisque l'expérience nous rend maîtres