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280                        LA REVUE LYONNAISE
 des faits, c'est à nous de les empêcher de se produire : assainissons
les faubourgs, supprimons scientifiquement les filles. Et quand
 même l'œuvre n'apporterait pas cette conclusion pratique, elle
aurait toujours l'utilité d'une enquête exacte, d'une vérité humaine
mise debout, indestructible. »
   Les romans naturalistes ne sont donc pas immoraux. Ils sont
trop vrais, trop cruels surtout pour chatouiller le public au bon
endroit et lui faire plaisir. Us révoltent, ils ne séduisent pas.
   Au contraire les romans idéalistes basés sur la théorie des per-
sonnages sympathiques sont essentiellement faux et dangereux :
faux parce que tous ces personnages vivent dans cet héroïsme
romantique qui est la négation de la vie, dangereux parce que le
mensonge si noble qu'il soit a toujours des conséquences désas-
treuses. « Walter Scott, ajoute M. Zola, en forme de conclusion,
a fait plus de filles coupables et de femmes adultères que Balzac.
Chez une femme qui prend un amant, il y a toujours au fond la
lecture d'un roman idéaliste, que ce soit Indiana ou le Roman
d'un jeune homme pauvre ».
   Ici le paradoxe est sensible et M. Zola se laisse emporter
évidemment au delà de sa véritable opinion. Nous ne supposons
pas qu'il ait jamais assimilé tout à fait dans son esprit Walter
Scott et Georges Sand, et certes nos voisins les Anglais proteste-
raient ènergiquement contre une pareille assimilation.
   Ici nous ne pouvons passer sous silence la singulière théorie
d'après laquelle le catholicisme serait la cause déterminante des
infamies lubriques du siècle passé, par cette bizarre raison que
ceux qui ont raffiné ainsi sur l'obscénité n'étaient que des catholi-
ques retournés. Nous avouons humblement ne pas bien comprendre.
   Mais ce que nous comprenons parfaitement, c'est que M. Zola
lui-même qui n'a pas la prétention, pensons-nous, de dériver du
catholicisme revient facilement aux théories de la fin du dix-
huitième siècle sur la moralité et les convenances. Parle-t-il en
novateur quand il dit que nous sommes arrivés à placer toute la
pudeur en un point, et que quand ce point est caché ou seulement
passé sous silence, la morale est sauvée ? l Ou bien quand il

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      E. Zola. De la moralité dans la littérature.